Le formalisme en pédagogie Imprimer Envoyer
Le débat - Antagonismes
Écrit par Françoise Appy   
Dimanche, 12 Juin 2011 16:27

Le formalisme en pédagogie

 

Tête vide

 

Il s’agit de l’idée selon laquelle le contenu enseigné est moins important que l’acquisition des outils formels qui en permettront l’apprentissage. C’est l’idée maîtresse des constructivistes, elle se manifeste par des objectifs tels qu’apprendre à apprendre, ou apprendre à développer la pensée critique. E.D. Hirsch s’en est fait l’ardent détracteur.

Apprendre à apprendre relève de la métacognition ou prise de conscience de ses propres processus mentaux lors des acquisitions. C’est une chose utile à l’école. Là où le formalisme pose problème, c’est dans la hiérarchisation des priorités, lorsqu’il ignore les contenus (informations à placer en mémoire à long terme) au seul profit des procédures. C’est cet aspect-là qui a fait l’objet de critiques sévères aux États-Unis (travaux d'E.D. Hirsch ou D.T. Willingham).

La connaissance des processus métacognitifs aide sans aucun doute les élèves dans leurs acquisitions, à condition que ceux-ci possèdent déjà un certain nombre d’informations en mémoire à long terme. Ainsi, on ne peut pas apprendre les processus de résolution de problèmes si on n’a aucune connaissance mathématique, comme par exemple les calculs numériques. De la même façon, on aura beau connaître les mécanismes d’inférence en lecture (qui peuvent faire l’objet d’un enseignement explicite et systématique), si on n’a pas les connaissances culturelles d’arrière-plan, la compréhension ne se fera pas.

De la même manière, l’esprit critique s’appuie sur une base de connaissances personnelles importante ; on ne peut enseigner l’esprit critique à des élèves qui n’auraient aucune connaissance solidement installée. Sinon, cela tourne vite au formatage des esprits, au dressage, à la moralisation, c’est-à-dire que l’on inculque aux élèves diverses réactions face à certains événements. Au contraire, avoir l’esprit critique consiste à être capable de s’interroger sur la réalité de tel ou tel fait et sur les interprétations possibles. Pour cela, il est nécessaire d’avoir en stock de nombreuses références, sans quoi la procédure, s’appuyant sur du vide, ne pourra aboutir.
L’erreur des constructivistes a été de considérer que les procédures prévalaient sur les contenus, ce qui les a amenés à négliger les contenus et les a conduits aux résultats que l’on connaît aujourd’hui.

Les traditionalistes, de leur côté, font l’inverse en faisant prévaloir les contenus sur les procédures et leur prise de conscience par les élèves. Ce qui leur a valu la fameuse critique « tête bien pleine » vs « tête bien faite ». D’ailleurs, ils appliquent cet anti-formalisme au métier d’enseignant lui-même lorsqu’ils refusent le questionnement pédagogique et la réflexion sur les méthodes. Ce faisant, ils affirment qu’il suffit que l’enseignant maîtrise les connaissances nécessaires pour qu’il les transmette efficacement, ce qui est complètement faux. Les données probantes, en effet, nous montrent bien qu’il existe des méthodes efficaces et d’autres peu efficaces. Nous savons tous qu’un enseignant érudit n’est pas forcément un enseignant efficace. Tout simplement parce que les contenus sans la méthode pour les transmettre sont inutiles. Comme les méthodes efficaces sans les contenus sont stériles aussi.

Entre ces deux extrêmes, l’enseignement explicite choisit une fois de plus le pragmatisme. Il ne s’agit pas de rejeter l’un ou l’autre, par le seul désir de se démarquer et de créer une énième position pédagogique. L’enseignement explicite a pour habitude de regarder la réalité des choses et ne s’écarte jamais de son objectif premier : être efficace. Parce que les données probantes lui ont montré que les deux étaient indispensables, l’enseignement explicite considère que l’enseignement des procédures, les procédés métacognitifs, sont au même niveau hiérarchique que la transmission des contenus. Tout comme dans la lecture, on ne peut disjoindre l’enseignement du décodage de celui de la compréhension. L’enseignement des procédures, comme celui des connaissances ont une égale importance, ils se font de manière explicite et structurée et c’est le produit des deux qui peut conduire à des apprentissages réussis.

 
 
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