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Pédagogie Explicite - Articles
Écrit par Form@PEx   
Dimanche, 23 Février 2014 09:43

Compétences linguistiques pour un enseignement efficace

Source : Parlons d’excellence : Compétences linguistiques pour un enseignement efficace, Conseil des ministres de l'Éducation [Canada] (CMEC), 2013, pp 27-29

 

 

Fixer des objectifs pédagogiques

La littérature souligne l’importance d’établir des objectifs pédagogiques clairs ; c’est une composante majeure de l’enseignement efficace (Chamberland, 1987). Les objectifs établis donnent une orientation à l’apprentissage qui sera entrepris (Marzano, Pickering et Pollock, 2001). Lorsqu’on fixe comme objectifs pédagogiques les résultats ciblés, ceux-ci reflètent rigoureusement les normes relatives à l’apprentissage et aux programmes d’études dont on peut se servir pour évaluer les résultats d’apprentissage prévus (Danielson, 2007). Améliorer l’efficacité d’un programme d’études est souvent possible lorsque les enseignants établissent des objectifs appropriés et les communiquent clairement aux élèves.

De nombreuses études ont mis en évidence le lien unissant l’efficacité de l’enseignement et la formulation d’objectifs d’apprentissage appropriés (Jones, 1992). Les élèves apprennent mieux quand l’enseignant : énonce clairement l’objectif de la leçon (Reutzel et Hollingsworth, 1988) ; donne des directives claires (Block et coll., 2002) ; établit clairement les objectifs de la leçon qu’il s’apprête à donner (Cartier et Tardif, 2000; Henk et coll., 2000 ; Lafontaine et Desaulniers, 2009 ; Langevin, 1994; Morin, 1997 ; Vanhulle, 1999) ; et présente clairement les objectifs de l’évaluation (Bruneau, 1994 ; Tardif, Brossard et Laliberté, 1992). Lorsque les enseignants présentent clairement les objectifs de la leçon, les élèves savent ce qu’ils devront réaliser, ils ont la motivation nécessaire pour y parvenir et ils apprennent la façon de se fixer leurs propres objectifs (Marzano et coll., 2001).

Les enseignants doivent être capables d’expliquer clairement à leurs élèves les connaissances procédurales et déclaratives à acquérir. Pour ce faire, les enseignants doivent communiquer des objectifs pédagogiques stimulants, motiver les apprenants à harmoniser leurs efforts avec les exigences de l’objectif et inciter les élèves à fournir un effort intellectuel quand ils réalisent une tâche d’apprentissage.

Pour établir des objectifs de façon efficace, les enseignants doivent expliquer clairement ce que les élèves sont censés apprendre et la façon dont cet apprentissage sera évalué. Si les objectifs sont trop précis, les élèves ignoreront l’information qui n’y est pas particulièrement relative (Walberg, 1999), ou cette information limitera le processus d’apprentissage (Fraser, 1987). De plus, la langue dont l’enseignant fait usage pour expliquer les objectifs doit refléter la diversité des compétences et des aptitudes des élèves de la classe (Danielson, 1996). Notamment, il est encore plus essentiel d’établir des objectifs clairs en ce qui concerne la langue et le contenu pour les élèves qui apprennent la langue d’enseignement parce que ceux-ci doivent apprendre non seulement le contenu de la matière, mais aussi la langue relative à cette matière (Bowers et coll., 2010 ; Tikunoff, 1983).

 

Enseignement direct

L’enseignement explicite met en jeu l’orientation vers un sujet, la présentation claire de la nouvelle matière, la pratique guidée et la pratique autonome (Moore, s.d.). Les enseignants présentent d’abord les objectifs de la leçon et décrivent les connaissances antérieures et l’expérience que pourraient avoir les élèves (Moore, s.d. ; Rosenshine, 1986). Ils enseignent ensuite la nouvelle matière en petits segments, donnent des directives et des explications, et mettent en pratique les nouveaux procédés ou les nouveaux concepts. Ensuite, ils transmettent progressivement la responsabilité aux élèves en leur demandant d’appliquer les nouvelles informations dans un contexte semblable à celui qui a été modelé. Les enseignants supervisent les exercices pratiques et posent des questions, fournissent systématiquement de la rétroaction, corrigent les erreurs (pratique guidée) et donnent des conseils supplémentaires aux élèves en difficulté (Wilson, Grisham et Smetana, 2009). Lorsqu’ils sont capables d’appliquer leur compétence à de nouvelles situations avec très peu d’aide de leur enseignant, les élèves sont censés mettre en pratique cette compétence de façon autonome, s’y exerçant jusqu’à devenir à l’aise (Moore, s.d ; Rosenshine, 1986).

Il a été démontré que les stratégies d’enseignement direct favorisent l’apprentissage des élèves. D’après les études, les élèves qui reçoivent un enseignement direct pendant le primaire ont tendance à obtenir de meilleurs résultats aux tests normalisés, abandonnent moins leurs études et sont plus nombreux à faire une demande d’admission au postsecondaire que ceux avec qui d’autres approches ont été utilisées (Gersten et Keating, 1987).

Il est évident que les stratégies d’enseignement direct exigent des enseignants des compétences linguistiques poussées (Falardeau, 2003). Durant l’enseignement direct, il est possible que l’enseignant doive présenter le sujet d’un texte ou donner une explication ou une définition (Blaser, 2008). L’enseignant peut choisir de décrire explicitement la structure d’un texte ou de donner des indices conduisant à la découverte de cette structure (Boyer, 1985 ; Duguay, 1999b). Il peut enseigner des stratégies d’apprentissage (Lafontaine et Préfontaine, 2007) propres à la maîtrise et à l’utilisation de nouveaux outils et techniques de communication, comme le suivi, le balayage, la lecture partielle (Carignan et Préfontaine, 2005 ; Chartrand, 2009), ou enseigner explicitement les étapes d’un processus ou d’une production d’apprentissage telles que préécriture, rédaction, révision, correction (Fortier et Préfontaine, 2004). Fréquemment, l’enseignant doit aussi modeler l’utilisation de stratégies d’apprentissage (Lusignan, 2010 ; Morin, 1997 ; Tardif et coll., 1992).

L’utilité de l’enseignement direct dépend entièrement de l’usage que fait l’enseignant de la langue. En ce sens, les enseignants doivent présenter la matière au moyen d’exemples et de riches descriptions orales dans une langue appropriée aux niveaux de compétence des élèves (Borgen, 1998). Par exemple, pour enseigner de nouveaux termes, les enseignants doivent être capables de les définir et de donner des exemples de leur utilisation dans des phrases (Dixon-Krauss, 2001). Il existe aussi d’autres stratégies linguistiques efficaces liées aux stratégies d’enseignement direct, telles que poser des questions incitatives, interroger, fournir une rétroaction, vérifier la compréhension (Coniam et Falvey, 2002 ; Gersten, 1986 ; Mariage et coll., 2000 ; Parsons, Davis, Scales, Williams et Kear, 2010). Les enseignants ont également avantage à parler moins vite et à se servir de représentations visuelles.

 

Enseignement réciproque

L’enseignement réciproque repose sur le dialogue entre l’enseignant et l’élève. Au début, l’enseignant joue un rôle de premier plan en modelant les nouvelles connaissances ou compétences et en dirigeant les élèves lors de la mise en pratique. Puis, à mesure qu’augmente la compétence des élèves, l’enseignant leur transfère progressivement la responsabilité. Les élèves reprennent le rôle de l’enseignant et commencent à modeler les nouvelles connaissances et compétences pour d’autres élèves (Brown et Palincsar, 1989 ; Doolittle, Hicks, Triplett, Nichols et Young, 2006 ; Palincsar, 1986 ; Palincsar et Brown, 1984).

L’usage que l’enseignant fait de la langue pendant l’enseignement réciproque met en jeu une grande partie des formules types de rigueur dans l’enseignement direct de même que plusieurs formules types servant à diriger les élèves alors qu’ils reprennent le rôle de l’enseignant. Il s’agit entre autres de poser des questions générales et de clarification, de donner des détails, de faire des prédictions, de simplifier, de faire un résumé, de clarifier, de perfectionner, de reformuler et de commenter (Doolittle et coll., 2006).

 

 

Références

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