Les connaissances inflexibles : première étape vers l'expertise Imprimer
Pédagogie Explicite - Études
Écrit par Daniel T. Willingham (trad. Françoise Appy)   
Mardi, 12 Mars 2013 18:31

Source : American Educator

Daniel T. Willingham

Les connaissances inflexibles : première étape vers l'expertise

Traduction (avec l'autorisation expresse de l'auteur) : Françoise Appy

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Dans cet article, Daniel Willingham décrit le processus de mémorisation ; il dédramatise l’apprentissage par cœur en expliquant qu’il n’est pas aussi répandu qu’on le croit et nous présente un type de connaissance incontournable dans le chemin vers l’expertise : les connaissances inflexibles.

 

Que signifie apprendre par cœur ?

La plupart de ce que l’on pense avoir été appris par cœur ne relève pas en fait de ce mode d’apprentissage. Ce que nous prenons pour du par cœur est une connaissance inflexible, produit normal de l’apprentissage et passage obligé dans le chemin vers l’expertise.

Dans son livre Anguished English, Richard Lederer rapporte la définition de l’équateur donnée par un élève : « A managerie lion running around the Earth through Africa. » (Un lion de ménagerie courant autour de la terre à travers l’Afrique) Comment a-t-il pu se méprendre à ce point ? Et en quel état de fragmentation étaient les souvenirs de cet élève et ses connaissances géographiques s’il n’a pas remarqué l’incongruité de sa définition par rapport au sujet ?

Tous les enseignants ont un jour rencontré ce genre de situation et ils parviennent à comprendre ce qui s’est passé. La définition du mot equator a été mémorisée par cœur.  La définition la plus simple de l’acquisition par cœur pourrait être la suivante : “forme de mémorisation dépourvue de sens”. Cet élève n’a même pas mémorisé correctement les mots : il s’est contenté de retenir grossièrement les sons et imaginery line est devenu dans sa mémoire managerie lion.

L’apprentissage par cœur est devenu le croquemitaine de l’enseignement, à juste titre. À juste titre, nous voulons que nos élèves comprennent ; nous voulons les entraîner à résoudre des problèmes, nous ne voulons pas en faire des perroquets. Dans la mesure du possible, nous devons empêcher nos élèves de retenir par cœur.

Il existe une cousine très proche de l’apprentissage par cœur, connue sous le nom de connaissance inflexible. En surface, cela ressemble à du par cœur, mais ce n’en est pas. Et c’est vital pour les apprentissages : les connaissances inflexibles semblent être les fondements incontournables de l’expertise, y compris celle qui permet de résoudre de nouveaux problèmes en appliquant à de nouvelles situations les connaissances déjà possédées – ce que l’on appelle fréquemment, les habiletés de résolution de problèmes.

 

La différence entre par cœur et connaissance inflexible

Voyons un autre exemple. Dans l’une de mes classes, j’enseigne le concept de conditionnement classique. L’étudiant doit retenir cette définition : « Le conditionnement classique se produit quand le jumelage répété d’un stimulus inconditionnel (qui conduit à une réponse inconditionnelle) avec une stimulus conditionné aboutit à une réponse conditionnée, suite à la présentation d’un stimulus conditionné ». L’étudiant ayant appris par cœur sera peut-être capable de dire la définition mais ne la comprendra pas. Cet étudiant, qui a retenu la forme mais pas le sens, ne fera pas le rapport avec l’exemple familier du chien de Pavlov : le chien entend une sonnerie répétée (stimulus conditionné) avant la nourriture (stimulus inconditionné), après quoi la sonnerie aboutit à la salivation (réponse conditionnée).

Un autre étudiant pourra mémoriser la définition du conditionnement classique et la manière dont chaque terme (ex : stimulus conditionné) est lié à l’expérience de Pavlov (le stimulus conditionné est la sonnerie). Ainsi, l’étudiant comprendra la relation entre les termes (le chien salive quand il entend la sonnerie car il attend la nourriture). Nous pourrions dire que cet étudiant aura appris le sens du conditionnement classique, et que son apprentissage n’aura pas été du par cœur.

Maintenant supposons que nous proposions de nouveaux exemples à l’étudiant :

Chaque fois qu’une lumière rouge s’allume, je mets de l’eau dans l’écuelle du chat. À force, le chat apprend à s’approcher du bol quand la lumière s’allume. Est-ce un conditionnement classique ?

1. Chaque fois qu’un rat pousse un bouton, il reçoit de la nourriture. À force, il apprend à pousser le bouton quand il a faim. Est-ce un conditionnement classique ?
2. Pour empêcher un enfant de faire pipi au lit, je mets une couche sous son matelas, reliée à une alarme qui sonne quand la couche est mouillée.
3. À force, l’enfant apprend à se réveiller avant que l’alarme ne sonne. Est-ce un conditionnement classique ?

La plupart du temps, l’étudiant dira que l’exemple 1 est un conditionnement classique (c’est vrai) ; il hésitera pour dire que l’exemple 2 l’est aussi (c’est faux [1]) ; et il sera déconcerté par l’exemple 3 (c’est vrai [2]). L’étudiant reconnaît avec succès l’exemple 1, nouveau pour lui, comme conditionnement classique. Cela semble indiquer que sa connaissance n’a pas été acquise par cœur. D’un autre côté, est-ce que l’échec à reconnaître l’exemple 3 comme conditionnement classique signifie que l’étudiant n’a pas vraiment compris ? Est-ce qu’il a appris par cœur ?

Non, l’apprentissage est plus profond qu’il ne le serait s’il avait appris par cœur. Mais en même temps, l’étudiant, de toute évidence, ne maîtrise pas le concept. Ce qui est en question ici est la flexibilité. La connaissance est flexible quand elle peut être accessible hors du contexte d’apprentissage et appliquée à de nouveaux contextes. Mon étudiante comprend le conditionnement classique et comprend le sens, mais cette compréhension est d’une certaine manière liée à la surface de l’exemple appris : chien, nourriture et sonneries. Quand je passe à l’exemple de l’enfant, sa connaissance est devenue inutilisable.

Remarquez que la connaissance inflexible est complètement différente de l’apprentissage par cœur. Quand on mémorise une définition comme une chaîne de mots, ou une expression comme « managerie lion », on ne retient pas le sens. Au contraire, la connaissance inflexible est porteuse de sens, mais étroit et limité : il est étroit car il est lié à la structure de surface du concept, la structure profonde du concept n’étant pas accessible facilement. La structure profonde se réfère à un principe qui transcende les exemples spécifiques; la structure de surface se réfère aux particularités d’un exemple pour illustrer la structure profonde.  Prenons par exemple, la structure profonde de la commutativité de l’addition ou de la multiplication : elle repose sur le principe  que l’ordre n’a pas d’importance dans ces opérations. Selon la structure de surface de ce principe, 3+4 = 7 et 4+3 = 7. Une autre structure de surface serait 9+3=12 et 3+9=12. On pourrait imaginer facilement qu’un élève reconnaisse la commutativité si on lui présente plusieurs situations de ce type ; mais qu’il ne reconnaisse pas par exemple, qu’une caisse enregistreuse puisse incarner la commutativité parce que l’ordre dans lequel sont saisies les sommes des achats n’a pas d’importance pour le total. Un tel élève aurait une connaissance étroite de la commutativité. Sa connaissance serait inflexible car liée à un certain type de structure de surface.

J’argumenterai que la plupart du temps, quand nous redoutons que nos élèves apprennent par cœur, en fait ils ne le font pas. Ils ont acquis une connaissance inflexible.

D’accord. Peut-être accepterez-vous mon argumentation selon laquelle les connaissances des élèves ne sont pas toujours dénuées de sens, en tout cas pas au point d’être suspectées d’avoir été apprises par cœur. Mais les connaissances inflexibles ne sont-elles pas aussi mauvaises et néfastes ?  Après tout, l’un des buts de l’enseignement est de rendre les élèves capables d’appliquer leurs savoirs à de nouvelles situations d’apprentissage en dehors de la classe, et non pas simplement de se souvenir des exemples appris à l’école.  Ne devons-nous pas combattre les connaissances inflexibles comme nous combattons l’apprentissage par cœur ?

 

Les connaissances inflexibles sont les fondements normaux de l’expertise

Bien sûr, la connaissance flexible est un but vers lequel on doit tendre, mais cela n’est pas facile. L’esprit humain, lorsqu’il rencontre un matériau nouveau, semble être attiré par un apprentissage en surface des problèmes, mais pas par la compréhension de la structure profonde, qui pourtant est nécessaire pour parvenir à une connaissance flexible.

Voici un exemple de l’inflexibilité d’une connaissance nouvellement acquise, à partir d’une expérience par Mary Gick et Keith Holyoke (1983). On a posé les problèmes suivants aux sujets :

Supposons que vous soyez un médecin devant un patient atteint d’une tumeur maligne à l’estomac. Il n’est pas opérable, mais si la tumeur n’est pas détruite, il va à la mort. Il existe un rayon susceptible de détruire la tumeur. Si le rayon atteint la tumeur entièrement et en un seul coup, avec une intensité suffisante, la tumeur est détruite. Malheureusement, à cette intensité, les tissus sains touchés par le rayon seront aussi détruits. Avec une intensité moindre, le rayon ne nuit pas aux tissus environnants mais n’affecte pas la tumeur. Quelle procédure pourrait être utilisée pour détruire la tumeur avec le rayon en évitant de détruire les tissus alentour ?

Ce problème est difficile, et seulement 10 % l’ont résolu dans les 15 minutes allouées. À la fin de ce temps, les expérimentateurs ont annoncé la solution aux sujets déconcertés. La solution est d’utiliser un certain nombre de rayons plus faibles émanant de diverses direction, mais tous orientés vers la tumeur. Les rayons plus faibles passent à travers les tissus sains sans les abîmer, mais convergent tous sur la tumeur pour la détruire. Puis, les expérimentateurs ont proposé ce problème :

Un dictateur dirige un petit pays depuis une forteresse. La forteresse est située au milieu du pays et plusieurs routes convergent vers cet endroit, comme les rayons d’une roue. Un grand général a pour ambition de capturer la forteresse et de libérer le pays du dictateur. Le général sait que si son armée peut attaquer la forteresse en un seul coup, le dictateur pourrait être capturé. Mais un espion rapporte que le dictateur a miné chacune des routes. Les mines sont placées de telle sorte que les hommes puissent passer : en effet, le dictateur a besoin de faire passer ses propres troupes et ses travailleurs sur ces routes ; cependant, une masse plus importante activerait les mines. Non seulement cela détruirait la route mais le dictateur détruirait  plusieurs villages  en représailles. Dans ces conditions, comment le général pourrait-il attaquer la forteresse ?

La structure du second problème et sa solution présentent une similitude évidente avec le premier : la solution est de disperser les forces puis de les regrouper au point d’attaque. Seulement 30% des sujets ont résolu le second problème. Cela ne vient pas du fait qu’ils n’avaient pas compris l’analogie. En présentant le second sujet et en précisant que le premier peut aider, alors 90% des sujets ont réussi. La difficulté des élèves n’est pas d’appliquer l’analogie entre le premier et le second problème, mais de penser à l’utiliser. Pourquoi est-ce si difficile ?

La raison est que les gens stockent le premier problème en termes concrets. Les sujets considèrent le premier problème comme relatif aux rayons et aux tumeurs, et non comme relatif à la dispersion puis à la réunion des forces. Le second problème pour eux traite de forteresses, d’armées et dès lors,  ils ne voient pas le rapport avec les rayons et les tumeurs. Remarquons que le problème ici est légèrement différent que celui portant sur le conditionnement classique.  Dans le problème sur les rayons et la forteresse,  le sujet ne pense pas spontanément à faire une analogie entre les deux problèmes, mais peut facilement en faire une s’il est guidé. Dans l’exemple du conditionnement classique, un problème nouveau avec une structure de surface différente (bébé, alarme, réveil) ne peut être relié à un problème ancien (chien, sonnerie, salivation) même si l’étudiant est guidé pour faire l’analogie. Ainsi, pour appliquer une connaissance ancienne à une situation nouvelle, on doit à la fois reconnaître la validité de l’analogie, et l’appliquer avec succès au modèle de résolution du problème. La connaissance est souvent inflexible car pour être applicable plus largement, elle doit être stockée en termes de structure profonde, alors que la plupart des personnes stockent en termes de structure de surface.

 

Pouvons-nous enseigner la structure profonde directement ?

Les connaissances inflexibles sont peut-être un processus normal, mais leur usage est limité. Ne pouvons-nous pas contourner la tendance naturelle de l’esprit à stocker les informations en termes de structure de surface et amener les élèves à la structure profonde ? Comme je l’ai souligné, la solution semble assez évidente. La difficulté est que les solutions au problème sont stockées en termes de spécificités du problème (les rayons et la tumeur) au lieu d’être stockées en termes de structure profonde (dispersion des forces et réunion). Donc, pour combattre les connaissances inflexibles, il semblerait que nous devions encourager les élèves à penser les informations de manière plus profonde, en termes abstraits, qui pourront se généraliser à d’autres contextes.

Cela est une idée merveilleuse que les cognitivistes ont tenté d’appliquer plusieurs fois. Mais, le problème avec de telles instructions directes est que l’esprit préfère et de loin, que les idées nouvelles soient retenues de manière concrète plutôt qu’en termes abstraits. Considérons l’exemple classique (Wason, 1968). Chacune des 4 figures ci-dessous représente une carte. Il y a toujours une lettre sur un côté de la carte et un nombre de l’autre côté. Vous devez dire si la règle suivante est vraie :

S’il y a une voyelle d’un côté, alors il doit y avoir un nombre pair de l’autre côté. Quel est le nombre minimal de cartes que vous devez tourner pour tester la validité de cette règle ?

A

2

X

3

La réponse est que vous devez retourner la carte A et la carte 3. La plupart des gens choisissent la carte A, mais la plupart ne choisissent pas la 3. Vous devez choisir la 3 parce que s’il y a une voyelle sur l’autre côté, alors la règle a été violée.  Quelque chose comme 20% de diplômés de l’université résolvent ce problème. Le pourcentage augmente légèrement quand les sujets ont terminé un semestre d’enseignement de la logique comprenant la forme logique Modus Tollens, sur laquelle ce problème est basé (Chent et al., 1986).

Maintenant considérons une autre version.

Vous êtes un officier des douanes à la frontière d’un pays. Chacune des cartes suivantes représente un voyageur. Sur un côté de la carte est indiqué si la personne entre dans le pays ou si elle est en transit (elle ne fait que passer). L’autre côté montre quelles vaccinations la personne a reçues. Vous devez vous assurer que toutes les personnes qui entrent dans le pays sont vaccinées contre le choléra (Cheng & Holyak, 1985).

ENTRÉE

TRANSIT

CHOLERA

OREILLONS

TYPHOIDE

GRIPPE

OREILLONS

Sur quels voyageurs avez-vous besoin d’informations supplémentaires ? Vous devez vérifier les personnes entrantes (pour vous assurer qu’elles sont vaccinées contre le choléra) ; vous devez vérifier la personne qui est vaccinée contre la grippe et les oreillons, pour vous assurer qu’elle est en transit.

Cette question a exactement la même structure formelle (Modus Tollens) que le problème précédent, mais les gens ont plus de chance de la résoudre. Pourquoi ? Parce que ce problème a une structure concrète qui fait sens – il n’utilise pas de lettres ni de nombres – et la règle relative aux maladies et aux entrées est simple, elle n’est pas arbitraire. L’idée que l’esprit humain préfère considérer de nouveaux concepts d’une manière concrète devrait être familière aux enseignants. Quand on leur présente une nouvelle idée abstraite ou un concept, les élèves réclament des exemples.

 

Par conséquent, comment une connaissance inflexible se transforme-t-elle en connaissance flexible ?

Vous avez probablement en tête diverses circonstances dans lesquelles vos propres connaissances semblent très flexibles. Par exemple, si vous savez calculer l’aire d’un rectangle, cette connaissance est probablement généralisable ; vous pouvez l’appliquer à tout rectangle et la formule n’est pas liée à des exemples spécifiques par lesquels vous avez appris. Vous pensez pouvoir utiliser la formule dans des situations nouvelles, comme pour déterminer l’aire d’un hall d’entrée, d’une cuisine, d’une salle à manger.

Pourquoi cette connaissance-là est-elle flexible ?

La connaissance tend à être inflexible quand elle est apprise pour la première fois. Quand vous continuez à travailler avec elle, vous gagnez en expertise ; la connaissance ne s’organise plus selon la structure de surface mais plutôt selon sa structure profonde. Ce principe a été mis en évidence par une expérience par Micheline Chi et al(1981).

Elle a donné à des experts en physique et à des novices une série de problèmes physiques et leur a demandé de les ranger dans des catégories de leurs choix. Les novices ont constitué des catégories basées sur la structure de surface des problèmes – c’est-à-dire qu’ils ont fait une catégorie pour les problèmes comprenant des plans inclinés, une autre pour ceux comprenant des ressorts etc. Les experts cependant, ont créé des catégories basées sur des principes physiques : une catégorie pour la conservation de l’énergie, une autre pour la loi de gravité de Newton, etc. Des expériences similaires utilisant la connaissance des dinosaures ont montré de la même manière que la mémoire des experts est organisée différemment de celle des novices, que les experts soient des adultes ou des enfants.

 

Les connaissances inflexibles en perspective

Les exemples ci-dessus sont là pour remettre le problème de l’inflexibilité en contexte. Comprendre la structure profonde d’un vaste domaine définit une expertise, et cela est un but important de l’enseignement. Mais si les élèves ne possèdent pas cette compréhension, cela ne veut pas dire pour autant qu’ils ont appris par cœur et ne valent guère mieux  que des perroquets. Il y a  une compréhension de moyen terme que la plupart des élèves peuvent acquérir et qu’ils acquerront dans de plus larges domaines de connaissance (depuis l’utilisation des formules de calcul des aires jusqu’à la maîtrise des aspects de difficultés croissantes en géométrie). Ces stocks de faits et d’exemples, dont la capacité va en augmentant, sont une étape importante vers la maîtrise. Par exemple, votre connaissance des aires des rectangles a peut-être été à un moment donné inflexible ; vous ne connaissiez qu’un nombre limité de situations dans lesquelles la formule était applicable, et votre compréhension de la raison pour laquelle la formule marchait n’était pas vraiment claire. Mais avec une expérience grandissante, vous êtes capable d’appliquer cette connaissance de manière plus flexible et de mieux comprendre ce qui la sous-tend. De la même manière, il est excessif de penser que les élèves devraient immédiatement comprendre la structure profonde dans tous les sujets enseignés.  Au fur et à mesure que les élèves travaillent sur la connaissance enseignée, leur stock de connaissances va s’agrandir et devenir de plus en plus flexible, même si cela ne se produit pas immédiatement.

 

Quelles conséquences pour les enseignants ?

1. Utiliser des exemples : le fait que les élèves soient très demandeurs d’exemples ne signifie pas que les enseignants ne doivent pas en donner. De manière certaine, les exemples aident les élèves à comprendre les concepts abstraits et des chercheurs (ex : Gick & Holyoak, 1983 ; Gentner et al., 1993) croient qu’en fournissant de multiples exemples, on encourage les élèves à les comparer entre eux et  ainsi à considérer ce qu’ils ont en commun ; ce qu’ils ont en commun bien sûr est la structure profonde que nous souhaitons qu’ils apprennent. Ainsi, il est probablement très utile de leur proposer non seulement l’expérience du chien de Pavlov mais aussi de multiples autres expériences similaires.
2. Faire une distinction entre les connaissances apprises par cœur et les connaissances inflexibles : cela est peut-être le point le plus important. Les connaissances apprises par cœur n’ont pas de sens. Mais la connaissance inflexible est une conséquence naturelle de l’apprentissage. Nous ne devrions pas nous désespérer lorsqu’elle intervient, ni prendre des mesures drastiques pour l’éliminer quand son élimination pourrait causer des dommages collatéraux à nos élèves (i.e. diminuer les connaissances factuelles).
3. Apprécier l’augmentation des connaissances des élèves, même si elles sont inflexibles : ne rechignez pas à construire une base de connaissances factuelles chez vos élèves. Certains faits sont mémorisés sans être associés à du sens et d’autres ont un sens inflexible, mais cela ne signifie pas que les enseignants doivent minimiser l’enseignement des faits dans leur programme. « Fait » n’est pas synonyme de par cœur ni de connaissance inflexible. Connaître plus de faits permet à toute fonction cognitive (ex : la compréhension, la résolution de problèmes) d’opérer plus efficacement. Si nous minimisons l’apprentissage des faits au prétexte que nous redoutons qu’ils soient appris par cœur, alors nous sommes en train de jeter le bébé avec l’eau du bain.
4. Se souvenir que les connaissances inflexibles sont une étape naturelle sur le chemin d’une connaissance plus profonde que nous voulons donner à nos élèves : la frustration relative aux connaissances inflexibles des élèves est un peu semblable à la frustration relative à un élève sachant additionner mais ne sachant pas diviser.  Ce n’est pas que cet enfant ne sait rien ; plus justement, il ne sait pas tout ce que nous voudrions qu’il sache tout de suite. Mais la connaissance qu’il possède est une étape naturelle sur le chemin d’une connaissance plus profonde. Ce qui transforme les connaissances inflexibles des novices en connaissances flexibles des experts semble être plus de connaissances, plus d’exemples et plus de pratique.

 

 

 

Bibliographie

- Cheng, P. W. & Holyoak, K. J. (1985). Pragmatic reasoning schemas. Cognitive Psychology, 17(4), 391-416.
- Cheng, P. W., Holyoak, K. J., Nisbett, R. E., & Oliver, L. M. (1986). Pragmatic versus syntactic approaches to training deductive reasoning. Cognitive Psychology, 18(3), 293-328.
- Chi, M., Feltovich, P., & Glaser R. (1981). Categorization and representation of physics problems by experts and novices. Cognitive Science, 5, 121-152.
- Gentner, D., Rattermann, M. J., & Forbus, K. D. (1993). The roles of similarity in transfer: Separating retrievability from inferential soundness. Cognitive Psychology, 25(4), 431-467.
- Gick, M. L. & Holyoak, K. J. (1983). Schema induction and analogical transfer. Cognitive Psychology, 15(1), 1-38.
- Lederer, R. (1989). Anguished English. New York: Doubleday.
- Wason, P. C. (1968). Reasoning about a rule. Quarterly Journal of Experimental Psychology, 20(3), 273-281.

 

 


[1] . L’exemple 2 représente plutôt un conditionnement opérant dans lequel l’animal apprend qu’une action sur l’environnement (pousser la barre) a des conséquences (recevoir la nourriture) lesquelles jouent sur la probabilité d’accomplissement de l’action dans l’avenir. Dans le conditionnement classique, l’animal apprend que deux stimuli (ex : sonnerie et présentation de la nourriture) sont associés.

[2] . La sensation d’une vessie pleine (stimulus conditionné) s’associe alors avec l’alarme (stimulus inconditionné), ce qui cause le réveil (réponse inconditionné). Avec de la pratique, la vessie pleine (stimulus conditionné) provoque le réveil (réponse conditionnée)