Changements dans le paysage pédagogique Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Synthèses
Écrit par Form@PEx   
Jeudi, 14 Novembre 2013 16:00

Changements dans le paysage pédagogique

Enseignement explicite et réussite des élèves - La gestion des apprentissages,
Clermont Gauthier, Steve Bissonnette, Mario Richard,
ERPI Éducation, 2013,
pp 268-269

 

Enseignement explicite

 

Des change­ments importants se sont produits au cours des dernières décennies dans le domaine de la recherche en enseignement et que ces changements risquent de modifier considérablement le paysage pédagogique au cours des années à venir.

 

À cet égard, sept constats attirent notre attention.

Le premier est, nous venons de le signaler, que les recherches sur l'ensei­gnement ont montré que, loin d'être un élément négligeable, l'enseignant est une variable importante dans la réussite ou l'échec scolaire des élèves. C'est ce que nous avons appelé l'effet enseignant. Tout n'est pas déterminé par le milieu socioéconomique ou les origines familiales ; l'enseignant joue un rôle crucial pour neutraliser, jusqu'à un certain point, l'effet de ces facteurs sociaux et faire en sorte que des élèves, dont l'échec était prévisible dès leur entrée à l'école, puissent au bout du compte s'en sortir.

Le second est que les approches systématiques d'enseignement ont montré leur efficacité depuis longtemps. Déjà, au cours des années 1990, nous avions pu constater (Gauthier et collab., 1997) que ces approches étaient bien documentées par la recherche et associées à la réussite scolaire des élèves. À l'époque, nous hésitions encore à parler d'une approche d'ensei­gnement : nous penchions plutôt du côté de l'existence de multiples stratégies pédagogiques, mais pas encore d'un modèle d'enseignement intégré. La publication continue, au cours des 20 dernières années, de méta-analyses et de méga-analyses a contribué à modifier notre point de vue : l'enseignement explicite est un modèle pédagogique efficace et validé par la recherche.

Le troisième constat est celui de l'efficacité limitée des approches s'appuyant sur l'apprentissage par découverte. On a beau avoir montré l'effi­cacité d'un enseignement structuré, cela ne signifie pas pour autant que les approches moins structurées ne fonctionnent pas. Or, les études comparant l'efficacité des approches pédagogiques montrent que, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, les approches par découverte ne sont pas très perfor­mantes pour la plupart des élèves. En fait, elles peuvent être indiquées pour des élèves performants, possédant les connaissances antérieures requises, et capables de travailler avec un minimum de supervision. À l'opposé, les études comparatives font valoir que les approches instructionnistes sont associées à de meilleures performances pour la plupart des catégories d'élèves.

Le quatrième constat est que les recherches sur la mémoire, notamment la théorie de la charge cognitive, permettent d'expliquer pourquoi certaines approches d'enseignement fonctionnent alors que d'autres ne fonctionnent pas. La théorie de la charge cognitive permet en effet de comprendre que les approches faisant appel à la découverte surchargent de manière importante la mémoire de travail et, de ce fait, ne favorisent pas les apprentissages, notamment chez les élèves en difficulté.

Le cinquième constat renvoie aux recherches sur les écoles efficaces. Longtemps, ce champ de recherche a évolué en parallèle à celui des études sur l'enseignement efficace. Quand ces deux perspectives de recherche se sont finalement rencontrées, les chercheurs se sont rendu compte d'une conclusion élémentaire : dans les écoles décrites comme efficaces, soit celles qui favorisent la réussite scolaire des élèves, les enseignants enseignent de manière efficace. Autrement dit, dans les écoles efficaces, les enseignants mobilisent des stra­tégies d'enseignement apparentées à l'enseignement explicite.

Sixième constat : nous pensons que le milieu scolaire est capable d'entendre et d'accepter ces constats et nous percevons déjà des signes d'une ouverture réelle à l'égard de l'enseignement explicite. Les enseignants s'y retrouvent somme toute assez facilement. Cependant, nous constatons que les recherches sur l'efficacité de l'enseignement n'ont pas ou fort peu atteint les facultés d'éducation. Ces dernières sont, de manière générale, des bastions du constructivisme et, partant, plutôt tièdes ou carrément réfractaires à l'endroit de l'enseignement explicite. Pourtant, quand on considère le faible impact des facultés d'éducation sur l'apprentissage du métier par les jeunes ensei­gnants, une remise en question serait plutôt bienvenue. Nous pensons que la raison de ce faible impact tient au fait qu'on y forme en grande partie les futurs enseignants aux stratégies constructivistes qui s'adressent aux popula­tions d'élèves les plus improbables la majorité du temps : doués, maîtrisant les connaissances préalables et manifestant une autonomie intellectuelle cer­taine. S'il y a un changement à espérer du côté de la formation des ensei­gnants, il ne se fera sans doute pas à l'initiative des formateurs de maîtres, qui auraient trop à perdre, mais bien sous la pression des enseignants qui, sur la ligne de front, réclameront des solutions et de la formation continue pouvant les aider à favoriser la réussite des élèves. L'enseignement explicite fait désormais partie de ces solutions : ce n'est pas l'approche pédagogique parfaite, mais bien la meilleure approche sur laquelle nous pouvons nous appuyer en ce moment. Elle prend appui sur des recherches conduites auprès d'ensei­gnants réels à propos de stratégies pédagogiques concrètes qui fonctionnent dans les classes. Ce n'est pas une vue de l'esprit qui propose une énième vision normative, théorique et déconnectée du métier.

Enfin, septième constat, on ne saurait trop souligner l'importance de la recherche pour nourrir la prise de décision. L'histoire de l'éducation est jon­chée de nombreux cadavres des réformes éducatives qui ont été remplacées par d'autres innovations qui, elles aussi, ont été larguées dans un incessant et décourageant mouvement de balancier. La recherche permet d'évaluer l'efficacité des moyens en vue de l'atteinte des fins ; elle est le seul outil dont nous disposons pour éviter de sombrer ad nauseam dans ce cercle vicieux.

 
 
Une réalisation LSG Conseil.