Les 4 piliers de l'apprentissage Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Synthèses
Écrit par Françoise Appy   
Mardi, 10 Février 2015 10:35

Les 4 piliers de l'apprentissage

 

Classe

 

Le neuroscientifique Stanislas Dehaene propose, d’après ses recherches et celles de confrères, 4 piliers fondamentaux pour l’apprentissage. Il considère que tout enseignant devrait les connaître afin de les intégrer dans sa pratique pédagogique. On pourra se référer à la vidéo en bas de page pour en connaître les détails.

Il explique dans sa conclusion toute la nécessité d’un enseignement structuré et cohérent. Cela me semble une excellente chose qu’un scientifique français, dont la notoriété est acquise, ose se prononcer, si ce n’est en faveur d’une méthode complète (il expose qu’il n’y a pas une seule méthode efficace), du moins en faveur de principes incontournables. On pourra constater à leur lecture qu’ils sont incompatibles avec toute méthode qui par exemple, prônerait l’accès par la complexité ou la découverte intuitive, et qui négligerait l’automatisation de certains éléments ou la pratique. En revanche, l’observateur avisé aura remarqué que l’Enseignement Explicite est en phase complète avec les incontournables du fonctionnement cérébral. Voyons cela de plus près.

 

Pilier 1 : L’attention

 

L’attention est un moyen de filtrage pour « sélectionner l’information et en moduler le traitement ». Elle facilite l’apprentissage. Par conséquent, il faut tout faire pour la mettre en œuvre. Néanmoins, elle a des limites à connaître : elle peut nous empêcher de voir certains éléments et nous ignorons l’étendue de la non-conscience du traitement de l’information dans notre cerveau. Le contrôle exécutif est l’un des systèmes attentionnels, c’est un levier de l’attention qui va éliminer tout comportement pouvant nuire à la concentration sur la tâche. Par exemple : ne pas se laisser distraire, ne pas se mettre à parler pendant la tâche …

 

En quoi l’Enseignement Explicite respecte ce principe

En Enseignement Explicite, avant de commencer l’enseignement à proprement parler, l’enseignant installe les conditions optimales d’apprentissage. L’une d’elle, très importante, consiste à capter l’attention de tous. L’enseignant, tout au long de la séance, va veiller à ne pas perdre cette attention et à la canaliser selon ses intentions pédagogiques. Cela exige auparavant qu’il ait en tête un objectif d’apprentissage clair, et qu’il soit capable dans sa présentation, d’éviter tous les écueils qui obligeraient l’attention de l’élève à se multiplier. Il ne donne jamais de double tâche, il propose des difficultés progressives, part toujours du simple pour aller vers le complexe et ne passe jamais à l’étape suivante tant que la précédente n’est pas acquise. Les tâches multiples sont mauvaises car elles détournent l’élève de la tâche primaire et le cerveau humain, contrairement au neuromythe très répandu, n’est pas multitâche. Les tâches multiples nuisent tout particulièrement aux élèves en difficultés. Stanislas Dehaene évoque l’importance des matériaux d’étude qui doivent être « attrayants mais sans écarter l’élève de la tâche principale ». Ainsi, en Enseignement Explicite, les présentations faites par l’enseignant sur TBI par exemple, veillent à ne pas multiplier les images, et ne choisissent que celles qui sont pertinentes pour la compréhension. Il en est de même pour les exemples et les contre-exemples. Enfin, le contrôle exécutif, selon la recherche, peut s’améliorer par la pratique. En Enseignement Explicite, on considère que même les comportements (attitudes propices à mieux recevoir les apprentissages) peuvent s’acquérir de manière explicite et par l’entraînement. Comme, par exemple, les attitudes lors du travail de groupe, lors des transitions, lors des explications de l’enseignant, lors de la pratique …

 

Pilier 2 : L’engagement actif

 

Les études ont montré que l’apprentissage est optimal quand l’enfant alterne l’apprentissage et le test immédiat et répété des connaissances. Les tests, par ailleurs, entrent dans un cadre métacognitif en permettant à l’élève de « savoir quand il ne sait pas ». De la même manière, la durée de la mémoire est liée au fait de la re-tester régulièrement. Enfin, l’engagement actif contient aussi l’idée de rendre les conditions d’apprentissages plus difficiles, à savoir, demander à l’enfant un effort soutenu et prolongé.

 

En quoi l’Enseignement Explicite respecte ce principe

L’Enseignement Explicite teste souvent les élèves, à la fois immédiatement, au cours de la leçon, juste après ou de manière plus différée. Cela permet à l’enseignant d’avoir une vision fine de ce qui a été acquis. Les tests sont l’occasion de révisions fréquentes, qui elles aussi concourent à la mémorisation. Les acquisitions d’automatismes sont testées très régulièrement (ex : tables de multiplications). On ne se contente jamais d’une évaluation qui permettrait de conclure “notion acquise” une fois pour toutes.  Cette familiarité avec les tests permet d’installer les connaissances plus durablement, en conjugaison avec les révisions et une pratique soutenue.

La métacognition est aussi à l’ordre du jour en Enseignement Explicite. L’enseignant a toujours à cœur de faire prendre conscience à l’élève de ce qui se passe dans son cerveau durant les apprentissages. Y compris quand l’élève ne sait pas ; ce qui lui permet par la suite d’observer ce qui s’est passé quand il a compris, pourquoi il a compris, de déterminer ce qui l’empêchait d’atteindre son but. Connaître l’erreur permet de mieux y remédier et de ne plus la refaire. Enfin « rendre les conditions d’apprentissage plus difficiles » est ce que l’on appelle en Enseignement Explicite « avoir de hautes ambitions pour ses élèves ». Et pour tous ses élèves. C’est un incontournable. L’Enseignement Explicite a les moyens d’être ambitieux pour les élèves, car il part de leur véritable niveau et possède des outils éprouvés pour les faire avancer.

 

Pilier 3 : Retour d’information

 

Le cerveau possède un modèle permettant des prédictions. Quand un signal d’erreur vient indiquer que la prédiction n’était pas parfaite, alors se réalise l’apprentissage. Par conséquent, l’apprentissage nécessite un signal d’erreur. Il peut être le fruit de la différence entre la prédiction et l’observation. Dans le cadre scolaire, il vient de l’enseignant par le biais d’une explication.

 

En quoi l’Enseignement Explicite respecte ce principe

Voilà qui nous renvoie au statut de l’erreur en Enseignement Explicite : elle n’est pas une faute et fait partie intégrante des apprentissages. L’enseignant apprend à ses élèves à ne pas la redouter mais à savoir l’utiliser pour aller plus loin. C’est un passage normal. L’Enseignement Explicite ne sanctionne pas les élèves qui commettent des erreurs. Mais l’enseignant sait aussi qu’il doit éviter absolument que des informations erronées s’incrustent dans la mémoire. Par conséquent, il s’applique à les débusquer aussitôt que possible et à les corriger. C’est une attention de chaque instant car plus une erreur persiste en mémoire, plus elle aura du mal à s’effacer. C’est aussi pourquoi la rétroaction occupe une place si importante en Enseignement Explicite. Elle est immédiate et s’accompagne d’explications : l’enseignant pointe l’erreur, indique pourquoi et montre et explique la bonne information. L’enseignant explicite privilégie les encouragements positifs et les récompenses tangibles ou verbales. Ainsi, il met l’accent sur ce qui est réussi ce qui crée une forte motivation auprès des élèves.

 

Pilier 4 : Consolidation

 

L’enjeu de l’apprentissage sera acquis lorsqu’il y aura transfert de l’explicite vers l’implicite. Or, ce transfert ne se fait pas naturellement et sans effort, en particulier pour les apprentissages scolaires. Il doit être provoqué et entraîné. Au début de tout apprentissage, le traitement se fait de manière explicite, conscient, des efforts sont nécessaires (par exemple, le déchiffrage en lecture). Puis vient le temps de l’automatisation. Elle permettra une pratique fluide, donc réussie.

Stanislas Dehaene ajoute un point important à cette consolidation, qui malheureusement, n’entre pas dans le cadre scolaire : le sommeil. Il explique que le sommeil est partie intégrante du phénomène d’apprentissage, il en permet la consolidation et améliore la mémoire, la généralisation, la découverte de régularités. Selon lui, l’amélioration du sommeil peut être une intervention efficace, notamment sur les troubles de l’attention.

 

En quoi l’Enseignement Explicite respecte ce principe

En Enseignement Explicite, une fois passé le stade des explications de l’enseignant et de la compréhension des élèves, vient le moment de la consolidation. Elle passe par une pratique, d’abord guidée puis de plus en plus autonome, par des révisions fréquentes. Tout cela aboutit à la mémorisation. Il est évident que certaines connaissances (déchiffrage pour la lecture, tables de calcul …) ont besoin d’être automatisées afin de libérer la mémoire de travail et de pouvoir se concentrer sur le raisonnement ou le sens. Sans quoi aucun apprentissage n’a lieu.

Relativement au sommeil, ce serait méconnaître la réalité que de s’imaginer que l’école est capable de former les parents à l’éducation de leurs enfants ! Sur cette question, comme sur beaucoup d’autres, l’école n’a aucun levier d’action. Les seuls parents qui seraient réceptifs à ce genre de propos sont ceux qui déjà, savent éduquer correctement leurs enfants. C’est un fait que la plupart des élèves dans une classe arrivent le matin déjà très fatigués, voire excités, et ont énormément de mal à se concentrer. L’enseignant doit s’en accommoder

* *
*

Pour terminer, je souhaite que la notoriété de Stanislas Dehaene contribue à diffuser ces éléments fondamentaux au plus grand nombre, à la fois dans le milieu enseignant et dans celui des décideurs institutionnels. N’oublions pas néanmoins que les recherches sur l’efficacité de l’enseignement ont commencé il y a déjà plusieurs décennies et que les travaux de Rosenshine, dès 1976, posaient les jalons de principes pédagogiques en complète adéquation avec ceux évoqués ci-dessus.  Ainsi naissait l’Enseignement Explicite. Le débat pédagogique en France est obéré par le refus d’utiliser ces données, surtout quand leurs conclusions remettent en question les politiques pédagogiques engagées depuis des années et ce, même si leurs piètres résultats sont maintenant connus de tous. Espérons que la multiplication et la diffusion d’exposés tels que celui-ci éveillent un peu les consciences.

 
 
Une réalisation LSG Conseil.