La revue Vie pédagogique : un discours à sens unique ! Imprimer Envoyer
Le débat - Antagonismes
Écrit par Steve Bissonnette, Normand Péladeau, Clermont Gauthier   
Mardi, 21 Mai 2013 16:36

Steve Bissonnette, Normand Péladeau, Clermont Gauthier

La revue Vie pédagogique : un discours à sens unique !

in Promesses et ratés de la réforme de l'éducation au Québec, dir. M'hammed Mellouki, 2010, 332 p
chapitre 5 : pp 121 à 143

 

 

Introduction

Depuis plus de 40 ans, les recherches en éducation et les pratiques d'en­seignement semblent être deux solitudes qui s'ignorent (Bédard, 2006). Pourtant, si l'école québécoise veut innover et souhaite ne plus être à la remorque des modes en éducation, elle doit se fonder sur les données probantes issues de la recherche (Gauthier, 2006). Une enquête récente du CSE (2006) indique qu'un rapprochement entre la recherche en éducation et les pratiques d'enseignement paraît bien amorcé. Cette enquête a montré que les ensei­gnants consultent et utilisent des résultats de recherche dans leur pratique éducative.

Toutefois, la vulgarisation des résultats de différentes études menées en éducation apparaît comme un élément essentiel afin de poursuivre et de conso­lider le rapprochement observé entre la recherche et les pratiques d'enseignement. En effet, l'enquête du CSE (2006) a révélé que parmi différentes revues en éducation, celles vulgarisant à des degrés divers des résultats de recherche en éducation comme la revue Vie pédagogique, le bulletin Virage du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) et la revue syndicale Nouvelles, sont les publications les plus lues par les enseignants. Fait à noter, selon l'en­quête du CSE (2006), Vie pédagogique est la revue qu'ils consultent le plus.

Compte tenu de la popularité de cette publication et de son potentiel d'influence élevé auprès des enseignants québécois, nous avons effectué une analyse des différentes stratégies d'enseignement qui y sont présentées. En nous appuyant sur les travaux de Chall (2000), nous avons classé les stratégies d'enseignement en deux grandes catégories afin de répondre à la question suivante : les stratégies d'enseignement présentées dans la revue Vie pédago­gique et ce, depuis plus de 25 ans, sont-elles davantage centrées sur l'enseignant ou sur l'élève ? Ainsi, cette analyse de contenu permet d'examiner l'évolution du discours pédagogique dans le système éducatif québécois et de cerner les stratégies d’enseignement dominantes dans cette publication depuis sa créa­tion en 1979 jusqu'à nos jours. Étant donné que la revue Vie pédagogique relève directement du MELS et que les nouveaux programmes d'études proposés par ce dernier sont basés sur une conception de l'apprentissage d'inspiration constructiviste, il est possible d'anticiper que les stratégies d'enseignement centrées sur l'élève seront de plus en plus présentes dans le discours de cette revue.

Nous débutons en présentant le cadre de référence utilisé pour classer les stratégies d'enseignement. Ensuite, nous décrivons la méthodologie employée et présentons les principaux résultats obtenus. Nous terminons par une discus­sion de ces résultats et une brève conclusion.

 

 

Source : Le fil

Yvon Larose

Un discours pédagogique remis en question

Le Fil - Volume 44, numéro 23 - 5 mars 2009

 

 

De 1979 à 2005, Vie pédagogique, la revue officielle du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (MELS), a fait une place de plus en plus grande, dans son contenu, aux stratégies d’enseignement centrées sur l’élève au niveau primaire comme au niveau secondaire. Dans le même temps, les stratégies centrées sur l’enseignant ont été de moins en moins présentes dans les pages de la revue. Pourtant, au Québec comme ailleurs, des études ont démontré que les stratégies centrées sur l’enseignant donnent de meilleurs résultats au point de vue des apprentissages scolaires, en particulier auprès des élèves en difficulté d’apprentissage et de ceux issus de milieux défavorisés. Ces élèves sont susceptibles d’abandonner l’école avant l’obtention d’un diplôme d’études secondaires.

Tel est l’essentiel du message qu’est venu livrer Steve Bissonnette, professeur au Département de psychoéducation et de psychologie de l’Université du Québec en Outaouais, le mardi 24 février 2009 au pavillon J.-A.-DeSève. Sa conférence était organisée par le CRIFPE-Laval (Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante) et la Chaire de recherche du Canada en formation à l’enseignement. Le contenu de sa communication était tiré de la thèse de doctorat en psychopédagogie qu’il a soutenue à l’Université Laval en 2008.

Dans les approches pédagogiques centrées sur l’élève, l’enseignant assiste l’élève dans des tâches d’apprentissage contextualisées et signifiantes qui permettent à celui-ci de faire des liens entre les contenus des programmes scolaires et sa vie propre. En revanche, celles centrées sur l’enseignant sont directives, structurées et s’intéressent à l’acquisition de connaissances et à la maîtrise des savoirs scolaires. « En lançant la réforme des programmes en 2000, rappelle le professeur Bissonnette, le MELS a proposé un changement radical de perspective, soit de passer d’un paradigme d’enseignement à un paradigme d’apprentissage pour la réussite scolaire d’un plus grand nombre d’élèves. »

À l’aide de deux logiciels, Steve Bissonnette et Normand Péladeau, de la firme Provalis Research, ont analysé le contenu de 1199 articles répartis dans 134 numéros de Vie pédagogique. Les textes analysés réfèrent en particulier à deux courants psychologiques : l’humanisme et le constructivisme. Selon le conférencier, l’espace déjà important consacré aux stratégies centrées sur l’élève a fait un bond en avant après la mise en œuvre de la réforme. « De 2000 et 2005, explique-t-il, un texte sur trois contenait des références à deux approches pédagogiques centrées sur l’élève, soit la pédagogie par projet et l’apprentissage coopératif. »

De 2000 et 2005, des études réalisées au Québec ont montré que certaines approches pédagogiques centrées sur l’élève, notamment la pédagogie par projet, avaient eu des effets négatifs sur l’acquisition de connaissances et le développement des compétences auprès des élèves du niveau primaire. Les résultats négatifs ont été observés sur le développement des compétences mathématiques, et celles dites transversales, ainsi que sur l’apprentissage des connaissances en géographie. « Aucune recherche n’a démontré, à ce jour, que les élèves de la réforme montrent de meilleurs résultats, qu’ils sont plus compétents que ceux qui les ont précédés », souligne Steve Bissonnette. Ce dernier croit qu’il est urgent de redonner une place importante, dans le discours pédagogique, aux stratégies d’enseignement qui ont démontré une efficacité plus certaine.

 
 
Une réalisation LSG Conseil.