Les mythes pédagogiques Imprimer Envoyer
Le débat - Antagonismes
Écrit par Françoise Appy   
Dimanche, 21 Octobre 2012 00:00

Les mythes pédagogiques

 

 

Les mythes ne sont pas des mensonges ; ce sont des croyances adoptées en raison de leur apparente plausibilité. On les croit car ils ont une apparente cohérence avec certains faits. Mais bien sûr les mythes sont faux, en tout cas ils ne sont pas la totale vérité.

L’enseignement tel qu’il est pratiqué dans la plupart de nos écoles aujourd’hui repose sur des mythes. Pourquoi les gens les croient-ils ? D’abord, il s’agit d’un sujet fortement émotionnel car il touche aux enfants. Il est bien connu que les émotions empêchent  les gens de penser correctement et troublent leur pensée rationnelle. Ensuite, les idées autour de l’éducation font partie du conformisme incontournable autour d’une philosophie supposée humaniste, progressiste, tolérante et dont il fait mauvais remettre en cause les principes. Pour donner un exemple, qui oserait s’opposer au principe selon lequel l’école doit permettre l’épanouissement des enfants ? Qui serait opposé à l’idée séduisante que les enfants apprennent mieux en jouant qu’en travaillant ? Qui serait hostile à l’idée que les résultats scolaires ne sont pas aussi importants que l’estime de soi, laquelle en est complètement indépendante ?

Les mythes éducatifs sont entretenus par des groupes d’intérêt, qu’ils émanent des instances officielles, syndicales, des groupes de parents d’élèves ou tout autre lobby ayant des intérêts dans les affaires éducatives. La question éducative est un problème politique et elle est traitée comme tel, de la même manière que les autres questions dans tout gouvernement démocratique.

Quelques-uns de ces principaux mythes seront abordés ci-dessous, la liste n’est pas exhaustive mais elle est évolutive ; on constatera qu’ils ne s’appuient sur rien de tangible, c’est le propre du mythe comme de la croyance. En regard de chacun d’eux, une brève remarque et des références pour en savoir plus sur la question.

 

1
Lecture

« Commencer par l’enseignement du déchiffrage nuit à la compréhension du sens et éloigne les enfants de la lecture véritable. L’apprentissage systématique du déchiffrage est donc un obstacle à la lecture. »

C’est ignorer que la lecture repose sur deux éléments fondamentaux et indispensables :

un déchiffrage parfait et automatisé X la compréhension de ce qui est déchiffré

Si l’un des deux éléments manque, l’enfant n’est pas lecteur. Par conséquent, le déchiffrage est indispensable, l’enfant l’acquiert vite et bien par une méthode explicite et structurée (comme le montre la recherche : études expérimentales, sciences cognitives).  Mais l’acquisition du sens l’est tout autant. Elle se fait par un travail sur la maîtrise de la langue orale parlée et comprise, sur la syntaxe, sur le lexique, sur la culture générale.

 

2
Créativité

«  Une méthode pédagogique qui ne passe pas par la découverte, (c’est-à-dire une méthode de transmission directe des connaissances et habiletés) inhibe toute créativité chez l’enfant. »

Cela, et c’est le propre du mythe, ne repose sur aucune observation tangible : en effet, aucune étude n’a jamais observé ni mesuré la créativité des élèves en fonction des méthodes pédagogiques qu’ils ont suivies. De plus, il révèle une ignorance de ce qu’est vraiment la créativité sur un plan cognitif, et part du principe que celle-ci constitue l’aptitude à créer tout seul, à partir du néant, pour peu que l’on soit mis dans une situation propice (la découverte).

Ce sont les sciences cognitives qui nous permettent aujourd’hui d’affirmer que non seulement cela est faux, mais de plus ce sont les méthodes explicites et directes ayant pour souci que les élèves acquièrent un certain nombre de connaissances et habiletés de manière durable, qui permettent une plus grande créativité. Les méthodes par découverte, qui se vantent de favoriser l’esprit créatif (sans que jamais personne ne l’ait observé), demandent aux élèves de créer des nouveautés mais ne leur fournissent pas les matériaux de base. Par exemple, on demandera de construire un  algorithme de résolution d’un problème sans veiller à ce que l’élève possède les connaissances mathématiques pour le faire. Il s’appuiera alors sur le principe cognitif du hasard comme principe de genèse : sans connaissance pour résoudre un problème, la seule solution est d’essayer au hasard une opération parmi plusieurs, mentalement ou physiquement, et de déterminer son efficacité. C’est une manœuvre coûteuse en charge cognitive.  De plus, elle aboutit à des impasses, à des cheminements cognitifs aberrants, à des erreurs qui risquent de s’incruster : rien qui ne garantisse une meilleure compréhension du sujet, ni une meilleure créativité.

Les travaux faisant date sur la question sont ceux de Weisberg, de Sweller, De Groot, pour citer les plus marquants.

Que se passe-t-il dans le cerveau des créateurs, des experts, des artistes ? Qu’il s’agisse de peintres, de musiciens, de danseurs, de joueurs d’échecs, les chercheurs ont constaté que leur créativité repose sur un grand nombre de connaissances stockées dans leur mémoire à long terme, un bagage culturel dépassant et de loin, celui du commun des mortels associés à un grand stock d’expériences et de pratiques.  Ce stock, disponible à tout moment, va leur permettre de réaliser une infinité de combinaisons qui seront autant de créations nouvelles. Le potentiel de créativité des élèves est donc limité par les informations ou connaissances qu’ils possèdent. La créativité est ainsi liée à l’expertise dont on sait maintenant qu’elle est entièrement dépendante du contenu de la mémoire à long terme : la créativité a besoin de s’appuyer sur des connaissances, des expériences, une pratique intensive.

Il est donc de la responsabilité de l’enseignant, et en particulier de celui du primaire de fournir tout cela aux élèves de manière efficace et durable au lieu d’attendre que la créativité surgisse du néant. En ce sens on peut affirmer que l’enseignement explicite est une méthode pédagogique qui permet la créativité tout comme la pensée critique, qui relève du même principe. Bien d’autres méthodes dont le but affiché est un développement créatif n’y sont jamais parvenues.

 

3
Styles d'apprentissage

« Chaque enfant possède une modalité d’apprentissage qui lui est propre (auditive, visuelle, kinesthésique) et l’enseignant doit adapter sa pratique au style de chacun. »

Ce principe, largement admis, ne s’appuie sur aucun fondement solide. Comme c’est souvent le cas, il part d’une chose vraie, mais en fait une extrapolation erronée. En effet, il est vrai que nous avons tous des modalités dominantes, la science cognitive l’a montré. Mais en conclure que l’on apprendra mieux si l’enseignant calque sa pratique sur le mode dominant est non fondé et non prouvé. Ainsi on passe de l’hypothèse à la conclusion en sautant toutes les étapes intermédiaires.

Que disent les sciences cognitives sur la question ? Les souvenirs sont conservés en termes de sens et non selon leur modalité d’acquisition. Un même souvenir peut être retenu sous diverses formes. Mais un souvenir stocké selon une représentation spécifique, par exemple auditive, ne retiendra que l’aspect auditif du sujet. À l’école, le but est de retenir le sens des choses, et non pas seulement un aspect particulier. C’est pourquoi on ne peut s’appuyer sur les modalités dominantes : ce serait retenir une information partielle. La leçon à tirer est que l’enseignant devra s’appuyer sur la modalité de son sujet et non sur celle de l’élève. Par exemple en histoire des arts, on s’appuiera sur la modalité visuelle. Mais étant donné que de nombreux sujets ont plusieurs accès, l’enseignant devra utiliser plusieurs approches afin d’optimiser la mise en mémoire à long terme de l’information.

 

4
Les élèves s'ennuient à l'école

« Les enfants s'ennuient de plus en plus à l'école. L'ennui fait des ravages à l'école. »

Voici une observation récurrente si l’on en croit les journalistes. Pour y répondre, on nous explique en général que l’école est ennuyeuse car pas assez ludique et trop éloignée des centres d’intérêt des élèves. Par conséquent, les enseignants devraient introduire dans leurs pratiques plus de jeu, de fantaisie et penser davantage au plaisir des élèves. Fin de l’analyse.

Qu’en est-il vraiment ?  L’ennui à l’école existe bel et bien. Mais l’enfant, comme l’adulte, s’ennuie dès lors qu’il ne comprend pas ce qu’on lui demande ou quand il n’a pas les moyens de faire ce que l’on attend de lui. Il s’ennuie (comme nous nous ennuyons aussi) quand il est inactif cognitivement. Les pratiques constructivistes ont une lourde responsabilité dans ce problème. En effet, les situations de découverte, tout comme l’entrée directe dans la complexité sont de nature à laisser de côté un grand nombre d’élèves, ceux qui ne maîtrisent pas les connaissances préalables qui leur permettraient de découvrir ce que l’on attend d’eux. Un élève qui décroche s’ennuie et l’on obtient vite une classe agitée à défaut d’avoir une classe active.

Autre croyance erronée, la motivation. On dit parfois que les enfants ne font bien que ce qui les motive naturellement. Or, dans l’école rien n’est naturel, par définition. Si l’on veut faire de l’école un lieu destiné à assouvir les besoins et plaisirs naturels de l’enfant, on s’éloignera bien vite des apprentissages scolaires. Cela ne veut pas dire que l’école est un lieu de souffrance, ni un lieu désagréable, bien au contraire. C’est un lieu nouveau pour l’enfant, qu’il va apprendre à connaître et à apprécier. L’école va lui faire découvrir un plaisir nouveau, différent de ceux qu’il connaît déjà, celui d’apprendre. C’est le rôle de l’enseignant de l’initier à ce nouveau plaisir.

Dans ce mythe s’inscrit une autre contre-vérité : celle de l’utilisation du jeu comme étant le meilleur vecteur des apprentissages. Bien sûr, on peut utiliser le jeu à l’école, en particulier avec les tout petits, dans des buts de pratique et d’entraînement. Néanmoins, rien n’a encore montré que l’on apprenait mieux en jouant. Par contre, on sait aujourd’hui avec certitude quelles méthodes pédagogiques sont les plus efficaces pour les apprentissages.

Les classes explicites ne connaissent pas l’ennui ni la démotivation des élèves, non parce que les enseignants ont quelque pouvoir supérieur ou quelque personnalité hors du commun, mais simplement parce la structure pédagogique explicite fait en sorte que tous les élèves soient actifs cognitivement. Comment ?

1. La clarté de l’enseignant.

Plusieurs études ont montré que c’est un élément crucial. Cela consiste :

  • à s’exprimer clairement,
  • à aller directement au but, sans digression,
  • à ne pas utiliser d’expressions vagues,
  • à donner des exemples clairs et significatifs,
  • à présenter l’objectif d’apprentissage clairement et à le traduire en tâche (« à la fin de la leçon vous serez capables de faire ceci… »).

2. Une allure adaptée.

On croit souvent, en particulier lorsque l’on débute, qu’une allure lente favorise la compréhension. Cela est faux ; une lenteur excessive favorise le décrochage de certains élèves. Le rythme ne doit être ni trop rapide, ni trop lent. Quels principes pour trouver la bonne allure ?

  • Respecter la capacité d’attention des élèves (entre 15 et 20 minutes max en cycle 3)
  • Faire participer tous les élèves
  • Donner suffisamment de temps pour la réflexion lorsque l’on pose des questions (QVC)
  • Maintenir l’intérêt des élèves : ménager du suspens, avoir de l’humour, éviter les temps morts qui cassent le rythme, soigner les transitions (qui doivent être rapides)
  • Utiliser les routines qui permettent d’optimiser le temps
  • Donner des défis (qui doivent rester atteignables)
  • Rester sur l’essentiel par rapport à l’objectif
  • Varier les modes de réponse : réponses actions, chorales, avec ardoises …
  • Donner une rétro-action simple et brève

3. L’enthousiasme de l’enseignant.

Là aussi, les données probantes ont montré que les élèves bénéficiant d’un enseignant enthousiaste réussissaient mieux. Cela est vrai en particulier pour les élèves en situation d’échec.

Comment faire ?

  • Proposer un contexte amusant.
  • Proposer des défis (atteignables).
  • Susciter la curiosité.
  • Rendre les leçons concrètes et leur donner sens.
  • Susciter l’intérêt sur le sujet.

Mais aussi :

  • Avoir un débit oral assez rapide (mais pas trop) et non monotone.
  • Utiliser les gestes pour accentuer certaines choses.
  • Utiliser aussi son corps.
  • Utiliser les expressions faciales pour signaler l’importance, l’intérêt ou pour susciter l’attention.
  • Accepter les idées et remarques des élèves avec intérêt.
  • D’une manière générale, manifester que l’on prend plaisir à ce que l’on fait.

4. Le renforcement positif.

Il a été observé que le renforcement positif et les encouragements systématiques améliorent l’estime de soi, favorisent les apprentissages et par conséquent contribuent au plaisir d’apprendre chez les élèves. Ce faisant, ils luttent aussi contre l’ennui et la démotivation. C’est un stimulus intervenant après une réponse correcte et favorisant l’apparition d’une autre réponse correcte. Le renforcement positif doit être quatre fois plus important que le renforcement négatif.

Comment faire ? Cela peut être une phrase de compliment ou juste un petit mot. Mais aussi un renforcement non verbal tel qu’un geste, une tape sur l’épaule, un clin d’œil, un pouce en l’air… On peut aussi utiliser les récompenses tangibles ou renforcement matériel, en particulier dans les petites classes ; cela a un impact direct sur la diminution de comportements déviants mais aussi sur l’assiduité et l’estime de soi.

Il ressort de tout cela que l’ennui à l’école n’est pas une fatalité. Pour s’en débarrasser, il faudrait que l’école accepte d’assumer son rôle : celui d’instruire les élèves, tout en étant persuadée que les apprentissages scolaires peuvent se faire dans le plaisir, même s’ils exigent de la part des élèves des comportements nouveaux. L’école est là pour élargir les horizons du quotidien et du vécu des élèves. Cela est possible en privilégiant les méthodes pédagogiques dont la conception tient compte des différents éléments énumérés ci-dessus, qui ont une efficacité avérée.

 

5
La passivité à l'école

« Dans les pédagogies transmissives les élèves sont passifs, tels des cruches que l'on voudrait remplir. »

On peut imaginer que cette croyance a pour origine le souvenir de la pédagogie traditionnelle qui consistait à délivrer magistralement un savoir sans se préoccuper vraiment de ce qu’il devenait dans le cerveau des élèves, et qui interagissait peu avec les élèves. Mais toute pédagogie de transmission n’est pas traditionnelle et l’enseignement explicite, lui, peut se targuer de susciter l’activité cognitive des élèves auxquels il s’adresse. Il parvient à impliquer activement les élèves dans leurs apprentissages, ce que le constructivisme a été incapable de faire pour la bonne raison, qu’en mettant les élèves directement face à la complexité (sans qu’ils n’aient les moyens de la résoudre), ils en écartent une grande majorité de l’accès aux apprentissages.

Pourquoi un élève est-il passif en classe ?

Car il ne comprend pas ce qu’on attend de lui.
Car il comprend ce qu’on attend de lui mais il n’a pas les moyens pour répondre à cette attente.
Car il est déjà en échec scolaire et a intégré l’idée que de toute façon, il n’y arriverait pas.

Si les élèves sont passifs, c’est que les enseignants, involontairement, suscitent cette passivité. L’enfer est pavé de bonnes intentions mais en matière éducative, il vient un temps où il faut regarder la réalité en face. Des années de constructivisme ont donné des classes entières d’élèves qui s’ennuient et qui sont entièrement passifs sur le plan cognitif, qui n’ont pas le goût d’apprendre et ne veulent qu’une chose : assouvir leurs besoins et plaisirs immédiats. Mais, leur a-t-on jamais proposé des activités les obligeant à être actifs et leur faisant découvrir le plaisir d’apprendre ?

Pourquoi la passivité n’est-elle pas une fatalité ?

Il existe de nombreux moyens pour susciter l’activité cognitive de tous les élèves, quel que soit leur niveau scolaire. C’est l’une des préoccupations de base de l’enseignement explicite : à cette fin, il a développé des stratégies pour faire en sorte que les élèves, par leur activité, profitent au mieux des enseignements. En voici quelques aspects :

L’importance du temps scolaire

Du temps passé à l’école, l’élève utilise seulement une infime partie pour des tâches cognitives. L’enseignement explicite a pour but est d’augmenter le TAS (temps d’apprentissage scolaire) : il s’agit de la durée pendant laquelle les élèves sont engagés avec succès dans des tâches scolaires de leur niveau. Le TAS occupe environ 20 % du temps total alloué. Le TAS et la réussite étant intimement liés, il convient par conséquent d’augmenter le TAS ; cette optimisation du TAS peut se faire par une bonne gestion de classe et de matière. Quelques exemples : vérifier la maîtrise des connaissances pré-requises, aligner l’enseignement sur le niveau réel des élèves, commencer les leçons en temps voulu, se tenir à l’emploi du temps, avoir une bonne organisation matérielle, éviter les interruptions, les digressions, diminuer le temps des transitions, utiliser les routines.

Des objectifs clairement définis

L’élève doit savoir exactement ce que l’on attend de lui et comment cette attente devra se traduire. Autrement dit, il s’agit d’annoncer le but de la leçon, (ex : dans cette leçon, vous allez apprendre à reconnaître le sujet du verbe). Mais il faut plus de précision encore ; l’élève doit savoir de quelle manière cela va se manifester, il faut donc traduire l’objectif d’apprentissage en tâche à accomplir (ex : à la fin de la leçon quand je vous donnerai des phrases, vous serez capable de souligner tous les sujets du verbe). L’élève qui ignore ce que l’on attend de lui risque de se perdre en chemin et la confusion est source de décrochage.

Des objectifs atteignables par tous

L’objectif d’apprentissage doit être en rapport avec le niveau des élèves. Cela signifie que l’enseignant doit s’assurer que les connaissances pré-requises sont bien installées. De nombreuses attitudes de passivité proviennent du fait que les élèves, n’ayant pas ces connaissances préalables, ne sont pas capables de comprendre et par conséquent décrochent et deviennent passifs. De la même manière, il faut partir d’éléments simples et procéder de manière progressive afin que les situations complexes n’apparaissent qu’au moment où l’on est sûr que les élèves ont les outils pour les résoudre.

Des connaissances pré-requises maîtrisées

La plupart des échecs viennent du fait que la connaissance (ou habileté) indispensable à la nouvelle acquisition n’était pas en place chez l’élève. Il est donc essentiel que l’enseignant s’assure de sa maîtrise, sans quoi l’élève sera très vite en situation de décrochage et donc de passivité. L’enseignement du maître, même de qualité, ne lui sera alors d’aucune utilité. Par exemple, si un élève ne sait pas comment reconnaître un verbe conjugué dans une phrase, alors il sera incapable d’assimiler la leçon sur la reconnaissance du sujet. Il faut donc s’assurer de la maîtrise des connaissances pré-requises chez tous les élèves et ne pas hésiter à revenir en arrière, si besoin.

Une sollicitation de tous

Pour éviter la passivité cognitive, il faut que tous les élèves aient de tâches à accomplir et se sentent sollicités personnellement. L’enseignant doit donc veiller à ce que tous participent et ne pas se contenter de dialoguer avec ceux qui lèvent le doigt. Les questions pour vérifier la compréhension seront nombreuses, variées dans leurs formes. Les manières de répondre seront également diverses : orales (individuelles, chorales, à un partenaire), écrites (individuelles, sur cahier, sur ardoise, cartes de réponse…) par action (en particulier dans les petites classes). Les tours seront parfois organisés, parfois aléatoires. En prenant l’habitude d’être sollicités très souvent, et de devoir argumenter leurs réponses, les élèves acquièrent une habitude active par rapport à la tâche requise.

Du renforcement positif

Comment espérer que les élèves s’intéressent et soient actifs si le renforcement négatif l’emporte sur le renforcement positif ? Or, c’est bien ce qui se passe dans de nombreuses classes. Les études et expérimentations ont montré que le renforcement positif abondant, portant sur les résultats obtenus au regard des efforts fournis, avaient une influence sur l’estime de soi, sur la participation et sur les résultats. Cela est compréhensible car l’élève qui est encouragé a envie d’aller plus loin, il est rassuré sur ses aptitudes, par conséquent, il est plus attentif, donc plus actif.

De hautes ambitions et des défis

Quand on se soucie de la réussite de tous, le danger est de demander des tâches trop faciles. C’est alors que l’ennui risque de s’installer, suivi de la passivité puis de la démotivation. Il faut garder en tête l’objectif de faire progresser chaque élève et avoir pour chacun de hautes ambitions, réalisables. Il ne faut donc pas hésiter à lancer des défis, par exemple lorsque l’on aborde un problème un peu plus difficile (mais dont on sait qu’ils possèdent les moyens pour le résoudre). La façon de présenter les choses est très importante ; on pourra dire par exemple : « Je vois que vous avez bien réussi ce problème ; mais celui-ci est un peu plus difficile. Saurez-vous le résoudre ? » Ou bien : « Ce problème est difficile, je l’ai donné dans une classe de grands. Mais je pense que vous allez parvenir à le résoudre ; vous essayez ? » En enseignement, la façon de communiquer avec les élèves, de proposer les exercices, de présenter les choses, a beaucoup plus d’importance qu’il n’y paraît.

L’esprit dynamique

Les travaux de Carol Dweck ont montré tout l’intérêt de développer à l’école l’esprit dynamique, qu’elle définit comme celui permettant de tirer profit de ses erreurs pour s’améliorer, de développer une réelle envie d’apprendre. La recherche a montré que cet état d’esprit était lié à la réussite scolaire. C’est l’idée selon laquelle l’intelligence n’est pas une chose figée et immuable, mais qu’au contraire, elle est en perpétuelle mutation. De là, découle la possibilité que chacun, par ses efforts et sa volonté, peut réussir à l’école. Favoriser cet état d’esprit en classe conduit à complimenter les élèves sur les résultats liés aux efforts fournis, et à leur montrer que les erreurs permettent d’aller plus loin et d’avancer. De quoi renforcer l’estime de soi, prendre goût aux apprentissages et être plus actif en classe.

Le plaisir d’apprendre

Tous les éléments cités ci-dessus vont participer au plaisir d’apprendre, lequel est une motivation interne importante. Il va susciter chez l’élève le désir d’aller plus loin. L’élève qui connaît le plaisir d’apprendre dans le cadre scolaire, ne sera jamais passif.

Ce serait donc un procès d’intention que d’accuser l’enseignement explicite de susciter la passivité chez les élèves. Les dictats pédagogiques des dernières décennies ont fait croire que des classes agitées étaient des classes actives. À tel point qu’une classe travaillant dans l’ordre et le calme est à l’heure actuelle considérée comme suspecte. Si l’on considère que l’école doit enseigner et les élèves apprendre, alors l’activité dont nous parlons est bien cognitive. L’activité cognitive est au cœur des préoccupations de l’enseignement explicite et les résultats sont là pour le prouver.

 
 
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