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Pédagogie Explicite - Articles
Écrit par Steve Bissonnette, Mario Richard, Clermont Gauthier   
Samedi, 01 Janvier 2005 00:00

Steve Bissonnette, Mario Richard, Clermont Gauthier

Interventions pédagogiques efficaces et réussite scolaire des élèves provenant de milieux défavorisés

Résumé de la note de synthèse, Revue française de pédagogie, n° 150, 01.2005

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Notre but consiste à identifier, à l’aide d’études empiriques, les interventions pédagogiques efficaces favorisant la réussite scolaire des élèves provenant de milieux défavorisés. L’analyse de 228 publications fait apparaître une convergence de résultats et montre l’impact très positif des procédés pédagogiques faisant appel à une démarche d’enseignement explicite pour favoriser l’acquisition des savoirs scolaires.

 

L’école peut contrebalancer le poids de lorigine socioéconomique des élèves

Une étude de grande envergure, recouvrant 50 ans de recherche, a amené trois chercheurs à identifier 28 facteurs influençant l’apprentissage et à les classer par ordre de priorité. Les deux facteurs qui se situent en tête de liste sont la gestion de la classe et les processus métacognitifs. L’effet de l’enseignant devance ainsi celui de la famille qui ne vient qu’au quatrième rang… Les facteurs proximaux reliés directement à l’élève et à l’enseignement ont un impact plus important sur la performance scolaire que les facteurs distaux liés à l’école et au contexte. Ainsi, contrairement à ce que l’on avait longtemps laissé entendre depuis les années 60, le milieu scolaire disposerait d’un pouvoir d’influence important sur l’apprentissage des élèves... En dépit d’un contexte socio-économique défavorable, l’école peut faire une différence majeure dans la performance scolaire des jeunes qui la fréquentent. Les mesures les plus efficaces à privilégier se situent directement en salle de classe. L’effet enseignant, ie sa valeur ajoutée, affecte indéniablement la performance scolaire de tous les élèves et parmi ceux-ci, ce sont les élèves en difficulté qui en sont les plus grands bénéficiaires. L’effet se révèle additif et cumulatif.

 

Les pratiques pédagogiques efficaces

La réduction du ratio maître-élève n’est efficace que dans la mesure où les enseignants ont recours à des pratiques pédagogiques structurées, faisant appel à une démarche d’enseignement explicite. Autrement dit, réduire le nombre d’élèves dans les classes sans se préoccuper préalablement des modalités pédagogiques mises en place par les enseignants consiste à faire fausse route… Il faut, d’abord et avant tout, mettre l’accent sur les apprentissages scolaires à travers lesquels les élèves développeront leurs habiletés cognitives et affectives… Lorsqu’on tente plutôt d’entrer par la porte de l’affectif ou du cognitif, les élèves provenant de milieux défavorisés sont ceux dont la réussite scolaire s’avère la plus compromise.

 

La démarche denseignement explicite

Un enseignement explicite et systématique consistant à présenter la matière de façon fractionnée, marqué d’un temps pour vérifier la compréhension, et assurant une participation active  et  fructueuse  de  tous  les  élèves,  constitue  une  méthode  d’enseignement particulièrement appropriée pour favoriser les apprentissages de base.

Le développement des compétences s’effectue à travers trois phases distinctes : la phase cognitive, la phase associative et la phase autonome. Les pratiques utilisées en enseignement explicite favorisent leur développement optimal ; elles sont divisées en trois étapes :
- modelage : lors de ses présentations et démonstrations, l’enseignant s’efforce de rendre explicite tout raisonnement qui est implicite en enseignant les pourquoi, comment, quand et où faire ;
- pratique dirigée : l’enseignant prend le temps de vérifier ce que les élèves ont compris de sa présentation ou de sa démonstration, en leur donnant des tâches à réaliser, en équipe, semblables à celles effectuées lors du modelage ;
- pratique autonome : (rétroaction après 2-3 problèmes ou questions). L’élève réinvestit seul ce qu’il a compris du modelage et appliqué en équipe, lors de la pratique dirigée, dans quelques problèmes ou questions.

La différence entre l’enseignement explicite et l’enseignement traditionnel est importante. La confusion avec l’enseignement traditionnel s’explique par l’équivalence que plusieurs établissent entre la présentation magistrale et le modelage, ainsi que la pratique autonome, qu’ils assimilent à tort avec l’exercisation. Toutefois, c’est dans la deuxième étape de sa démarche, soit la pratique guidée, que l’enseignement explicite se distingue fondamentalement de l’enseignement traditionnel. Alors que l’enseignement magistral est axé sur la transmission du contenu, l’enseignement explicite porte principalement sur la compréhension de la matière et son maintien en mémoire. Tandis que souvent la pédagogie traditionnelle ne permettra de vérifier s’ils ont compris la matière qu’au moment de la correction, à la fin de l’exercisation, l’enseignement explicite permet à l’enseignant de valider le degré de compréhension des élèves dès l’étape de la pratique guidée. Le questionnement et la rétroaction sont donc essentiels et constants tout au long de cette démarche d’enseignement, afin de procurer à l’élève le feed-back et l’enseignement correctif dont il peut avoir besoin pour réaliser adéquatement les apprentissages visés.

 

Lefficacité de lenseignement explicite auprès des élèves en difficulté

Neuf composantes ont été identifiées dans les interventions efficaces :
1) la mise en séquences : segmenter la tâche globale, adapter la difficulté de la tâche ;
2) les exercices et la révision : planifier en fonction du niveau de maîtrise recherché, assurer des pratiques répétées et des révisions graduées, donner des rétroactions quotidiennes, effectuer des révisions hebdomadaires ;
3) la segmentation : décomposer les habiletés visées et les ordonner ;
4) le questionnement : inciter l’élève à poser des questions ;
5) l’échafaudage : contrôler le niveau de difficulté de la tâche, verbaliser les étapes et le suivi de son raisonnement, donner des indices, favoriser la compréhension par des questions, présenter des activités de courte durée et fournir l’appui à sa réalisation, présenter les tâches du facile vers le difficile ;
6)  la technologie : recourir aux multimédias pour aider à la représentations mentales d’abstractions ou de schèmes complexes ;
7) lenseignement-apprentissage en sous-groupes pour favoriser la discussion entre les élèves et entre ceux-ci et l’enseignant ;
8) le support des parents : impliquer les parents dans l’aide aux devoirs et aux leçons ;
9) lenseignement de stratégies cognitives et métacognitives pour encourager l’élève à faire ressortir ses propres représentations, dégager l’essentiel, sélectionner des techniques appropriées de mémorisation, à repérer le cheminement logique d’un raisonnement, à réutiliser les connaissances, à comparer les démarches et à situer ses erreurs et leurs causes.

Trois composantes apparaissent dominantes : contrôle de la difficulté de la tâche, petits groupes interactifs et procédures de questions-réponses directes. Elles ont permis d’identifier une démarche systémique en trois niveaux :
- Au premier niveau, mise en place de l’enseignement explicite en classe régulière, tel que présenté précédemment… À ce niveau, l’enseignant adopte un rythme de présentation assez rapide pour maintenir l’attention et l’engagement des élèves, établit des attentes élevées pour tous les élèves… Ce premier niveau est une mesure préventive car l’utilisation de cette démarche en classe régulière favorise l’apprentissage de l’ensemble des apprenants.
-  Au second niveau, les interventions s’effectuent toujours en classe régulière, mais concernent seulement les élèves n’ayant pas réussi les apprentissages prévus. Ils se verront offrir des occasions d’apprentissage supplémentaires. L’enseignant devra donc identifier à l’intérieur du temps de classe des moments propices pour les mettre en place. L’aide aux élèves en difficulté débute par un diagnostic des apprentissages qui posent problème. Il s’agit de repérer les obstacles à l’apprentissage et les sources d’incompréhension. Ensuite l’enseignement explicite sera micro-gradué, respectant une séquence d’apprentissage allant du simple vers le complexe, combiné à un questionnement fréquent et à une rétroaction constante. L’enseignant peut également recourir aux représentations concrètes de ce qui est à apprendre et aux activités de manipulation pour faciliter la compréhension de l’objet. S’avèrent également nécessaires les renforcements, les systèmes d’émulation et l’utilisation de programmes informatiques. Différentes modalités peuvent être mises en place : co-enseignement, aide au moment de l’évaluation, enseignement micro-gradué…
- Des interventions de troisième niveau sont nécessaires pour des élèves qui manifestent des difficultés persistantes. L’enseignement y est intensif, individualisé ou se réalise en groupe restreint et s’aligne directement sur les difficultés de l’élève. Lors de ces périodes, l’élève est retiré temporairement de sa classe pour la seule durée de l’intervention. L’enseignement correspond aux besoins particuliers de l’élève, préalablement évalué ; il est mené de façon hyper-explicite, engage l’élève activement dans la tâche par un questionnement fréquent, minimise les pertes de temps et maximise le temps consacré aux apprentissages.

 

Conclusion

Ces analyses et résultats prennent à rebours la plupart des propositions pédagogiques associées au paradigme de l’apprentissage et du constructivisme…

D’une part, les auteurs font état de résultats contrastés, sinon inférieurs, des réformes scolaires fondées sur une approche constructiviste (Suisse, Belgique…). D’autre part, leur propos est étayé par divers arguments :

- les approches centrées sur l’élève et le constructivisme favorisent l’acquisition des habiletés cognitives primaires. Or les apprentissages scolaires ne sont pas du même ordre que ceux de la vie de tous les jours (l’apprentissage du langage et sa compréhension, le développement de la socialisation, l’acquisition de gestes moteurs). La lecture, l’écriture et les mathématiques – habiletés cognitives secondaires – ne se développent pas naturellement par simple maturation cognitive de l’enfant, par exposition à un environnement riche en stimulations et par un désir élevé d’apprendre, mais plutôt dans le cadre d’un enseignement systématique.

- regard individuel sur l’élève vs prise en compte du collectif de la classe : le paradigme de l’apprentissage et plusieurs propositions pédagogiques associées au constructivisme oublient de prendre en compte le contexte, la réalité et les contraintes de l’enseignement, ie un temps défini, un espace contrôlé, un programme précis, des apprentissages déterminés, des résultats à atteindre et un groupe à gérer.