Formation continue et réussite scolaire : quelles stratégies favoriser ? Imprimer
Le débat - Système éducatif
Écrit par Mireille Castonguay et Clermont Gauthier   
Jeudi, 09 Mai 2013 15:56

Mireille Castonguay et Clermont Gauthier

Formation continue et réussite scolaire :
quelles stratégies favoriser ?

Vivre le primaire, 23(3), été 2010, pp 32-33

pdf Télécharger le document


 

De bons enseignants constituent la pierre d'assise pour assurer des appren­tissages de qualité chez les élèves. Amé­liorer les connaissances et les pratiques des enseignants constitue donc le but le plus immédiat et le plus significatif de toute activité de formation continue. En effet, l'enseignant est le facteur princi­pal entre, d'une part, le développement professionnel et, d'autre part, les gains d'apprentissage des élèves. Par consé­quent, de façon évidente, si les activités de formation continue ne bonifient pas les connaissances et les pratiques en classe des enseignants, peu d'améliorations peuvent être attendues en ce qui a trait aux appren­tissages des élèves.

Il importe donc de choisir soigneuse­ment le contenu des activités de forma­tion continue afin de permettre des gains substantiels dans les apprentissages des élèves. Toutefois, devant la multitude d'op­tions disponibles, quelles stratégies doit-on privilégier afin de s'assurer du plus grand impact possible des activités de formation continue sur les pratiques des enseignants et, ultimement, sur les apprentissages de leurs élèves ?

Afin d'apporter une réponse à cette interrogation, nous avons identifié et analysé seize études portant sur les modalités des activités de formation continue dites efficaces. De façon plus précise, notre but était d'abord de spé­cifier comment on évaluait l'efficacité des activités de développement profes­sionnel dans ces études. Ensuite, nous visions à préciser s'il était possible de distinguer certains éléments communs aux activités de formation continue qui s'avéraient efficaces.

Certains constats émergent au terme de notre analyse. D'abord, en ce qui a trait à la manière de définir l'efficacité, un prin­cipe domine. En effet, une majorité d'étu­des convergent et indiquent que pour être considérée efficace, la formation continue doit améliorer les pratiques des enseignants et, ultimement, les gains d'apprentissage des élèves. Toutefois, cette situation idéale ne semble exister qu'en théorie puisque, dans les faits, les programmes de développement professionnel n'éva­luent pas toujours ni systématiquement leurs effets sur les pratiques des ensei­gnants et sur la réussite des élèves. Au total, seulement la moitié des études de notre corpus disent avoir fait usage, en tout ou en partie, des résultats des élèves pour déterminer l'efficacité des pratiques proposées aux enseignants lors des activités de développement pro­fessionnel.

Cette divergence concernant la manière de définir l'efficacité des activités de for­mation continue nous est apparue par­ticulièrement intéressante. Nous avons donc mené une analyse plus approfon­die des études de notre corpus, mais en les catégorisant selon la manière d'éva­luer l'efficacité des activités de déve­loppement professionnel. Nous avons donc comparé les études selon qu'elles avaient ou non, dans les faits, eu recours aux résultats des élèves pour déterminer l'efficacité des activités de formation continue. Notre objectif était de préciser si le fait de faire usage des résultats des élèves pour évaluer l'efficacité des acti­vités de développement professionnel influençait les conclusions obtenues.

Or, cette analyse ultérieure a permis de mettre en lumière une différence fon­damentale entre ces deux types d'étu­des, différence se situant au niveau des approches pédagogiques proposées. En effet, d'une part, en ce qui a trait aux études ayant eu recours aux résul­tats des élèves pour déterminer l'effi­cacité des pratiques proposées lors de la formation continue, nos résultats indiquent que plusieurs de ces études font la promotion d'approches de type structuré et explicite. En effet, ces étu­des précisent que l'utilisation lors de la formation continue d'approches de type structuré et explicite parviennent davan­tage que d'autres approches à améliorer les pratiques pédagogiques des ensei­gnants afin qu'ils favorisent les gains d'apprentissage de leurs élèves.

D'autre part, en ce qui concerne les huit études n'ayant pas eu recours aux résul­tats des élèves pour déterminer l'effica­cité des pratiques pédagogiques, elles font la promotion d'un tout autre type d'approches. Il faut savoir que, dans ces études, l'évaluation de l'efficacité des activités de formation continue repose non pas sur la capacité du développe­ment professionnel à améliorer les pra­tiques des enseignants et ultimement les apprentissages des élèves, mais bien sur d'autres bases, par exemple le « happiness quotient ». Ce « quotient de bonheur » correspond au degré de satisfaction exprimé par les participants envers les activités de formation conti­nue auxquelles ils ont assisté. Cette évaluation prend appui non pas sur des données à propos des résultats des élèves, mais bien sur des perceptions.

Or, nos résultats indiquent que lorsque les études se basent sur les perceptions et non sur les résultats scolaires pour déterminer l'efficacité des activités de formation continue, l'ensemble de ces études abondent dans le même sens et font la promotion d'approches de type constructiviste.

Quelles sont les différences entre les approches de type explicite et struc­turé et les approches de type construc­tiviste? Les tenants du constructivisme considèrent que les apprentissages des élèves sont favorisés lorsque l'environ­nement est le moins directif possible. Selon cette approche, la connaissance construite par l'apprenant est davantage valable que la connaissance modelée, donnée, démontrée ou expliquée par un enseignant. En ce sens, les approches pédagogiques de type constructiviste amènent l'enseignant à se faire l'accom­pagnateur de l'élève dans la construction de son savoir. L'enseignant intervient le moins possible dans le processus. Plu­tôt que de présenter les informations aux apprenants, l'enseignant doit veiller à ce que ces derniers découvrent ou construisent les informations essen­tielles à leurs apprentissages par et pour eux-mêmes. À l'opposé, d'autres pensent que les apprenants doivent bénéficier d'un enseignement direct à propos des concepts et des procédures d'une discipline. Selon les défenseurs des approches de type structuré et expli­cite, les apprenants ne doivent pas être laissés à eux-mêmes afin de découvrir les notions liées à une matière. L'en­seignant doit offrir un enseignement direct et explicite qui fournit l'informa­tion expliquant en totalité les concepts et les procédures que les élèves doivent apprendre. Ce type d'enseignement offre un fort soutien à l'apprentissage, compatible avec l'architecture cognitive humaine. Avec une approche de type structuré et explicite, le curriculum enseigné est soigneusement construit, du simple au complexe, avec un contrô­le minutieux du niveau de difficulté des tâches à faire apprendre aux élèves. Bref, un enseignant qui fait usage de ce type d'approches dit, montre et guide.

Au terme de nos travaux, nos résultats nous permettent donc de conclure à l'ef­ficacité des approches de type structuré si l'objectif ultime visé par les activités de formation continue est de favoriser les apprentissages des élèves. En effet, lors­que les études ont recours aux résultats des élèves pour déterminer l'efficacité du développement professionnel, celles qui précisent la teneur des approches péda­gogiques utilisées indiquent, de manière générale, que l'utilisation d'approches de type structuré et explicite s'avère la plus efficace pour former les enseignants afin qu'ils aident leurs élèves à apprendre. D'autre part, lorsque les études ne font pas usage des résultats des élèves pour évaluer l'efficacité des pratiques pro­posées lors de la formation continue et n'utilisent que des perceptions de satis­faction des participants, elles font, géné­ralement, la promotion d'approches de type constructiviste en pensant, à tort, que ces approches favorisent la réussite scolaire des élèves. Autrement dit, lors­que l'évaluation de l'efficacité du déve­loppement professionnel se fait à l'aune de ses effets sur les résultats des élèves, alors les approches de type structuré et explicite sont les plus efficaces pour aider les élèves à apprendre.

 

À la lumière de nos résultats, il s'avère avisé d'affirmer que l'amélioration de l'efficacité des activités de développement profession­nel passe par la formation des enseignants à l'utilisation de stratégies pédagogiques de type structuré et explicite. En effet, si le but visé par les activités de formation continue est d'améliorer les pratiques des enseignants afin que ces derniers aident davantage leurs élèves à apprendre, alors les approches de ce type sont à favoriser.