Mémoire : Les étayages dans l'enseignement explicite en résolution de problèmes pour les élèves à besoins particuliers Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Thèses - Mémoires
Écrit par Mathilde Bütikofer et Mélanie Dupuis   
Lundi, 17 Avril 2017 17:57

Mathilde Bütikofer et Mélanie Dupuis

Les étayages dans l'enseignement explicite en résolution de problèmes pour les élèves à besoins particuliers

Mémoire professionnel, sous la direction de Thierry Dias, HEP de Lausanne, 06.2015

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Extrait  :


2.1.1 Historique et caractéristiques de la démarche d'enseignement explicite

 

Depuis une quarantaine d'années, l'enseignement fait l'objet de multiples recherches. Ces recherches ont très souvent pour objectif de mesurer l'efficacité d'une approche pédagogique. Par efficacité, il faut entendre : impact d'une pratique pédagogique sur la performance scolaire des élèves. En d'autres termes, les actions d'un enseignant dans sa classe auprès de ses élèves déterminent l'efficacité de l'enseignement. Les approches centrées sur l'enseignant se sont révélées être, à chaque fois, les plus efficaces et particulièrement auprès d'élèves présentant des difficultés. Dans ces approches, le maître choisit le contenu à enseigner et clarifie les objectifs. Quant aux apprenants, ils bénéficient d'un enseignement direct des habiletés et concepts.

Ainsi, de nombreuses méga-analyses ont révélé que l'enseignant, et ses pratiques, influençaient fortement la réussite scolaire des élèves. En effet, un enseignement de type directif et structuré a des effets plus élevés sur les apprentissages, surtout auprès d'élèves en difficultés. Gauthier, Bissonnette et Richard nomment cette forte influence du maître « l'effet-enseignant ».

Les méta-analyses comparent avec une certaine précision les facteurs ayant un impact fort sur le parcours scolaire d'un enfant. La croyance populaire, nourrie par quelques recherches en sociologie, prône l'idée que le milieu socioéconomique d'un enfant est étroitement lié avec ses performances scolaires. Autrement dit, un élève venant d'un quartier défavorisé aurait une plus grande probabilité de se retrouver en difficulté, voire en échec à un moment donné dans son parcours scolaire qu'un enfant d'une famille aisée. Les résultats de ces recherches ont ainsi pu démontrer, dans un premier temps, que l'enseignant jouait un rôle primordial, et donc non-négligeable, sur le rendement des élèves, et ceci, plus que les facteurs familiaux.

Dans un second temps, les conclusions mettent en évidence la pratique pédagogique de type directif comme étant déterminante sur les apprentissages. Comme le soulignent Gauthier et al., celle-ci offre une production de gains d'apprentissages élevés dans les domaines du français (lecture et écriture) et des mathématiques. Ce type d'enseignement est généralement appelé enseignement explicite. Cette pratique a été structurée en trois étapes par Rosenshine : le modelage, la pratique guidée et la pratique autonome. Dans cette démarche, le savoir est hiérarchisé en unités, du plus simple au plus complexe, afin d'éviter de surcharger la mémoire à court terme des élèves. La psychologie cognitive contemporaine nous permet de mieux comprendre cet aspect-là de l'enseignement explicite.

Certes, l'enseignement explicite est une méthode pédagogique issue des recherches sur l'enseignement efficace, cependant elle prend appui sur les travaux contemporains de la psychologie cognitive. C'est pourquoi, il nous paraît essentiel de présenter cette caractéristique de l'enseignement explicite en abordant les notions de mémoire, de représentations et de métacognition.

La mémoire à court terme est également appelée mémoire de travail. Certaines tâches cognitives de compréhension et de logique sont traitées par cette mémoire de travail. Elle se définit par « la durée pendant laquelle une personne retient les informations, 5 à 20 secondes, avant de les oublier ou de les transférer dans la mémoire à long terme ». Une autre composante de la mémoire de travail est le nombre d'informations, ou unités (syllabes, mots, concepts, numéros de téléphones...) avec lequel le cerveau humain peut travailler de manière simultanée. Ainsi, « la mémoire de travail est responsable du maintien et du traitement temporaire des informations ». Ces deux composantes présentent des limites liées à la durée de la disponibilité de l'information et au nombre d'unités que peut contenir la mémoire de travail. Donc, pour que l'élève donne du sens à ce qu'il apprend, il doit être capable de faire des liens avec ses connaissances stockées dans la mémoire à long terme (réservoir illimité de savoirs). Apprendre est donc l'action d'intégrer de nouvelles connaissances dans cette mémoire.

Il se peut qu'un élève en difficulté ne possède plus les ressources suffisantes dans sa mémoire à court terme et, de ce fait, qu'il n'accède pas au sens des apprentissages. Autrement dit, il n'a pas les connaissances nécessaires à la résolution d'un problème nouveau qui lui permettent de construire les savoirs. Par conséquent, il ne peut pas les organiser, sous forme de schémas, et les stocker dans la mémoire à long terme. Dans ce cas, il se retrouve en situation de surcharge cognitive. Les apprenants ont donc besoin d'un enseignant qui séquence et hiérarchise les apprentissages. Ce dernier pourra servir de « substitut » aux schémas manquants et, de cette façon, libérer de l'espace dans la mémoire à court terme. Ainsi, l'apprentissage d'un nouveau concept peut être possible.

Le rôle de l'enseignant est alors de structurer sa séquence, afin que l'élève accède à la juste signification des informations reçues. Comme le précisent Hollingsworth et Ybarra, l'enseignant doit s'assurer de manière continue de la bonne compréhension de l'élève. Or, il faut garder à l'esprit qu'un apprenant s'approprie un nouveau concept et lui donne du sens en fonction de ses représentations personnelles qu'il a construites sur ses acquis antérieurs. La compréhension de ce concept se fera donc à partir de ses représentations qui seront modifiées progressivement, suite aux diverses interventions de l'enseignant. Il est nécessaire, pour ce dernier, de partir des représentations, car elles peuvent représenter un obstacle à l'apprentissage. Pour ce faire, l'enseignement explicite est un outil extrêmement pertinent car il stimule la réflexion sur sa propre pensée.

Nous avons ici une des caractéristiques fondamentales de cette approche pédagogique : la métacognition. Rappelons que, selon Brown, les principaux processus métacognitifs mis en œuvre face à une tâche sont la planification, la prévision, le pilotage et le contrôle. L'enseignement explicite est donc une forme d'enseignement métacognitif. En effet, cette démarche permet à l'apprenant de prendre conscience de ce qu'il fait, de la façon dont il le fait et de la finalité pour laquelle il le fait. Le travail de l'enseignant sera de développer la métacognition chez l'élève, dans le but de favoriser une bonne maîtrise de ses processus d'apprentissage. Ce regard réflexif aide à traiter de manière efficace l'information pendant les phases d'acquisition (compréhension de l'objet d'étude), de rétention (encodage et stockage dans la mémoire à long terme) et de transfert (réutilisation ultérieure d'un nouveau savoir). L'élève devient alors contrôlant et peut « tirer profit de l'apprentissage réalisé ». Afin d'acquérir cette conscience métacognitive, les élèves nécessitent un enseignement explicite des stratégies cognitives. Les trois étapes de cette démarche développent progressivement chez l'élève un regard réflexif. Le modelage est une première approche de la métacognition. Le maître rend explicite son propre processus interne pour réaliser une tâche. Puis, lors de la pratique guidée, l'élève effectue la tâche en conscientisant son processus personnel, avec l'aide de l'enseignant. Finalement, lors de la pratique autonome, l'élève contrôle lui-même la situation d'apprentissage en faisant appel à la métacognition.

En conclusion, nous pouvons dire qu'un grand nombre de recherches démontrent l'efficacité de l'enseignement explicite, auprès d'élèves présentant des difficultés d'apprentissage ou non. De plus, cette démarche se base sur des courants actuels tant dans le domaine de la pédagogie que dans le domaine de la psychologie. C'est pourquoi, elle correspond à une approche pédagogique pertinente ; elle s'appuie sur des résultats de recherche qui mettent en lumière les pratiques exemplaires et elle favorise la réussite du plus grand nombre d'élèves possible.

 
 
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